Alexandre le Bienheureux sur la route de Stevenson

Les belles rencontres annoncées ont bien lieu dans cette descente vers le Midi. Après Conques, Saint-Geniès sur l’Olt : lisez Lot, pour la rivière qui traverse ce gros bourg si vivant. Il faut arriver par la grand route, prendre à gauche vers le centre ville, traverser un peu de faubourg, c’est à dire 200 mètres de rue sans commerces, atteindre les premières places animées, bordées de cafés et de terrasses. Ce samedi soir, il y a concours de boules, ou une dizaines de parties se jouent avec sérieux et bonne humeur. Un peu plus loin, un salon d’écrivains régionaux plie bagage. J’aperçois l’auteur d’une trilogie imposante, fiction romanesque située dans les collines environnantes. Je n’ose pas lui demander combien il en a vendu. Peut-être est-ce un best-seller local; ignoré des critiques germano-pratins (  c’est à dire de Saint-Germain des prés)! Un pont enjambe le Lot pour gagner une autre partie de la ville, ce soir et demain, c’est le comité des fêtes de la rive droite qui organise et invite. Une magnifique église romane, à l’intérieur baroque,  surplombe les deux rives. L’Angélus sonne, c’est un Ave Maria cristallin assez inattendu. Ou est le bourdon habituel, les volées sans fin? Un instant la sono trop forte et l’animateur de service se taisent pour laisser passer la beauté et la grâce.  Plus tard, le chef de la fanfare nous demande d’avance indulgence et sourires pour ceux qui vont accompagner le défilé aux lampions. Merci fanfare, c’était charmant, joyeux, familier, entraînant. Un instant aussi, ou à défaut de beauté, le plaisir se partageait. Saint-Geniès, un souvenir d’une étape simple et chaleureuse. Les touristes sont des aveyronnais de Paris de retour chez eux pour quelques semaines. Tout se passe en famille.

Alexandre le bienheureux, nous l’avons rencontré quelques jours plus tard sur le Causse Méjean. Là nous sommes bien dans les Cévennes, mais pas encore dans le Midi. Un plateau de granit à 1 200 mètres d’altitude, des landes, des pins noirs, des moutons, des bergers, et depuis peu… des loups. Importés par les hommes au nom de la bio-diversité dans le Parc national du Mercantour et dans celui des Cévennes, ici même. Le loup fait parler de lui jusque dans la presse nationale. Il mange des moutons. Les bergers râlent. Couché dans son champ, surveillant sa trentaine de moutons, Christian à la barbe blanche longue de 20 centimètres et coupée en carré, se moque: il faut comprendre les loups, ils trouvent que c’est plus facile d’attraper des brebis que des biches, elles courent bien moins vite. Un peu plus, un autre ironique du Causse: les anti-loups mettent des pancartes Non au Loup, mais ils savent pas lire les loups....Alexandre-Christian, cinquante ans sur le Causse à garder ses moutons par tous les temps, est un vrai flegmatique. Il regarde, sourit, se plaint un peu de son genou qui l’oblige à conserver la station couchée dans le pré. Il faut aller le voir près de Nivolliers, là-haut, dans ce paysage aride et attachant.

L’écologiste dans l’âme se demande si on n’a pas perdu la tête lorsqu’il apprend que les loups se comptent maintenant par centaines en France ( enfin 250), que le taux de reproduction est de 20% par an, que chaque loup coûte à la collectivité 30 000 euros par an. Est-ce bien raisonnable alors qu’on hurle contre les  méchants loups à tête d’homme! Ceux-là même appelés « traiders » , « capitalistes » etc…La Fontaine aurait pu en faire une fable.

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Bruxelles contre l’Europe ?

  • Parfois la question surgit au détour d’une étape entre Cantal et Lozère, à la lecture des journaux. La Commission européenne ne protège pas l’industrie photovoltaïque européenne, annonce les titres des quotidiens au lecteur ébahi et furieux que je suis. L’histoire est simple. Il y a quelques mois, le Commissaire européen au commerce, Karel De Gutch, avait décidé de s’attaquer au dumping chinois, qui en inondant l’Europe de panneaux solaires à bas prix, détruisait l’industrie photovoltaïque européenne. Le Commissaire décidait de taxer l’importation chinoise. Et ouvrait une discussion avec la Chine. Qui se termine par un compromis dans les derniers jours de juillet. Un bon compromis, dit le commissaire. Catastrophique, disent les industriels européens qui expliquent que le relèvement des prix à l’importation, trop bas, est une mesure inefficace. D’aucuns parlent d’un accord en sous-main mené par l’Allemagne qui lâche la production photovoltaïque au profit des ventes de Mercedes et de machines outils made in Germany aux chinois.

Si tout cela est vrai, quelle stupidité! Nous détruirions une industrie d’avenir, indispensable à l’heure ou nous cherchons à développer les secteurs des énergies renouvelables, industrie ou nous devons pousser au contraire la recherche et l’innovation, pour des secteurs condamnés à terme – l’automobile- ! Stupidité encore si cette décision divise les européens, furieux devant une Allemagne trop forte, non solidaire, imposant ses choix. Stupidité si cette décision est négative pour la production européenne, parce que les chinois nous respecteront encore un peu moins, si c’est possible. Au même moment les USA relèvent t les taxes sur les importations chinoises de panneaux solaires de 360%,  – contre 47% chez nous-protégeant leurs intérêts. Je pense à Serge et Loïc de Poix, innovateurs, à qui j’avais consacré ce blog en avril dernier- du vinyle au solaire, un innovateur en panne- et à leurs espoirs d’hier, leurs déceptions d’aujourd’hui. Alors Bruxelles contre l’Europe? Dans un article retentissant, le mois dernier, Stéphane Richard, le patron d’Orange ne mâche pas ses mots: La Commission joue contre les européens. Est-ce possible que les peuples européens et maintenant les dirigeants des principales entreprises européennes pensent que l’Europe détruit plus qu’elle ne construit?

La technocratie bruxelloise en est largement responsable. Tatillonne, créant des normes à l’infini sur tout et n’importe quoi, trop lié au libéralisme anglo-saxon et à la finance de la City de Londres, voilà quelques uns des reproches qu’on entend à son endroit. Mais que font les gouvernements? Ceux qui ont en définitive le pouvoir? La Commission est leur émanation, leur bras armé.

Sont-ils impuissants parce que la technocratie, comme trop souvent, tient les dossiers, les nourrit, en tire la décision devant laquelle le politique n’a plus d’argument? Nous l’avons vu avec l’exception culturelle retirée de justesse des négociations entre l’Europe et les Etats-Unis, contre la volonté de la Commission. Le politique peut, s’il le veut. Alors pourquoi ne veut-il pas?

Et puis parce que je suis aussi sur le chemin des Cévennes, descendant dans cette France inouïe, ou je m’émerveille à chaque détour d’un vallon, d’une gorge, d’une ligne de crête, voilà Conques entre Cantal et Aveyron, plus grand site de France annonce un peu bêtement le panneau. Le village rouge de ses pierres surgit à l’improviste, maisons aux encorbellements fleuris, marchande souriante de glaces bio aux parfums inattendus et colorés, châtaignes, rose et fruits des champs, et puis les marcheurs de Saint-Jacques de Compostelle, sous leurs chapeaux protecteurs d’un soleil brûlant qui s’avancent vers l’église. Croyant ou non, quelle émotion devant la beauté des mouvements de la pierre. Immense foi qui a construit cet édifice! Ce voyage à l’intérieur nous montre une histoire époustouflante. Des siècles de labeur et d’acharnement ou l’esthétisme n’était pas encore la signature d’un seul à la Une des magazines pour être simplement le résultat d’une croyance collective. Oui, il faut pousser les portes- ouvertes d’ailleurs- des églises, Murat, Saint-Flour, Sainte Eulalie d’Olt, impossible de les énumérer, elles se succèdent au gré de la route…

et retenez ce nom: Janus. Pourquoi Janus ? Demandons-nous à Sébastien le Kieff, qui à la sortie de Conques avait engagé la conversation avec nous de manière directe et évidente: vous repartez déjà? oui mais nous avons vu! la terre donne la pierre, la couleur, plus haut la lave d’Auvergne, de la cathédrale de Clermont-Ferrand, des villages noirs des monts, plus bas les églises blanches, ici les rouges presque ocres...Sébastien nous raconte ses études d’histoire à Nantes, son boulot sans montre ici pour expliquer l’histoire de Conques, son goût pour la géologie. Sortir les lieux, les hommes de l’histoire de la déambulation touristique. J’aime l’Histoire, j’ai créé mon entreprise, je vais la faire exister, Janus? parce que pour moi l’Histoire c’est regarder derrière et devant, le passé et le futur. Janus a deux faces, Sébastien 26 ans prend son destin en mains, avec audace et justesse.

Les rencontres sont d’abord humaines, en voilà une belle, une jeunesse qui revigore, qui ne veut ni être assistée, ni être ignorée, simplement vivre son temps. Je ne lui ai pas demandé s’il se sentait européen, il l’est, cela se voit, fier de ce qui l’entoure, de ce qu’il retrouve un peu partout sur ce continent, de ce qui le relie avec les autres peuples européens. Je me dis que les Commissaires européens devraient venir interroger des garçons comme Sébastien sur l’Europe qu’ils souhaitent. C’est ici sur ces routes que les questions et les réponses remettraient l’Europe dans le droit chemin.

 

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de belles rencontres,

L’été est chaud, vous l’avez remarqué évidemment, plus chaud que l’été pourri de l’an dernier. Un temps propice à aller à l’intérieur des terres si on le peut, en France pour moi cette année. Délaissant voyages lointains et bords de mer très peuplés. Non, quelques jours entre Auvergne et Cévennes, un peu le nez au vent, avec juste quelques étapes programmées dans des lieux inconnus chez des amis chaleureux. Les surprises sont partout, il suffit pour moi d’attendre tout et rien, le meilleur et l’inattendu, y compris la somnolence bienveillante de la conversation qui s’assoupit sous les arbres d’après-déjeuner.

Les vacances arrêtent le temps, ce temps trop pressé de la vie quotidienne. La déambulation de mon corps et de mon esprit prend le pas sur les autres. Les autres, je les entends à peine, même s’ils s’approchent trop près. Je veux dire par là que rien ne m’oblige à faire autre chose que ce que je souhaite à cet instant. Aller là ou ne pas y aller. M’arrêter là ou continuer plus loin. Déambulation du voyageur qui peut doubler la mise, à l’extérieur de lui, regard braqué sur tous les horizons, et en lui, yeux fermés dans sa seule respiration silencieuse. Par monts et par vaux. Beaux monts du Cantal dont je me réjouis d’avance. Causse Méjean que j’imagine puissant et inquiétant, descente des Cévennes non pas au pas de l’âne de Stevenson, mais de la tout-électronique Peugeot confortable et bien plus fragile que le moyen de locomotion stevensonien.

De belles rencontres j’en ferai sûrement, mais je voudrai un instant revenir  sur celles annoncées dans mon dernier blog consacré à la revue Centre Commercial. En page 20-21, le portrait d’un étrange « loustic », dont j’ignorais tout, le nom et le reste jusqu’à cet article de 11 pages, Alexandre Guarneri. « Icone de mode, pionnier le la culture hip-hop, caméléon des temps modernes » nous annonce le titre. Je ne vais rien vous dévoiler de plus, laissons-nous le goût et la surprise de la découverte. Non, je voudrais simplement vous parler de la photo- il y en d’autres dans ces 11 pages- visage anguleux, barbe sourcilleuses mais maintenue, oreilles dégagées sur un crane entraperçu rasé, mais surtout yeux fixés rêveusement et clairement sur vous, yeux clairs, verts peut-être, yeux charmeurs et ironiquement gentils. La pose est drôle. Est-ce celle demandée par le photographe ou simplement celle qu’adopte facilement Alexandre Guarnari?

Si vous le rencontrez, vous n’aurez pas besoin de lui demander ce qu’il en pense, il vous prendra peut-être à bras le corps, parce qu’il aime son semblable jusqu’à le lui dire ainsi. Et puisque vous avez le temps, continuez la lecture, allez de page en page, découvrez Hugues Lagrange, l’incendiaire malgré lui, chercheur au CNRS qui ose braver le politiquement correct en associant délinquance, échec scolaire et facteurs culturels- quelle actualité- dans un livre, Le déni des cultures. Ou ce voyage en banlieue, dans le 9-3, à Pantin ou la friche industrielle attire les grandes marques à la recherche du changement et de prix aimables, et ou les habitants ne savent s’ils doivent se réjouir ou s’inquiéter. Bel exemple d’humanité: comment faire? Pantin, we go hard?

 

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Centre Commercial

non, ce n’est pas ce que nous connaissons tous pour y avoir déambuler entre boutiques de marque, soldeurs, et pizzeria, le Centre Commercial dont je vais vous parler se situe dans le très bobo 10 arrondissement de Paris, rue de Marseille très exactement – la rue d’à côté abrite la plus belle boutique de dvd que je connaisse, Potemkine, mais je vous en reparlerai un autre jour- voilà donc entre deux boutiques chics, la succursale de vente de Veja, la marque de baskets écologiques qui emballe la jeunesse. Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillon ont créé Veja en 2006, alors que brillants cadres de moins de trente ans, promis à un bel avenir dans la finance traditionnelle, ils décident de changer de vie. Ils se tournent vers le commerce équitable, et vont prouver en quelques années que éthique peut rimer avec réalité. Veja est aujourd’hui une marque qui nous fait rêver.

Dans le Nord-Est brésilien, Veja passe des accords avec des petits producteurs de coton. Pas de pesticides, pas d’engrais, le coton produit est filé artisanalement, de même pour le caoutchouc issu d’hévéas sauvages, saignés par des seringueros réunis en coopérative. Le tannage végétal est exempt de tout produit chimique. Veja ne fait pas de publicité. En écoutant le responsable de la boutique m’expliquer cela, m’affirmer que le bio, ici, n’est pas mis en avant, afin de ne pas en faire un argument publicitaire, je rêve encore.

Et puis, je vois sur une table, une revue  Centre Commercial, numéro 1, automne-hiver 2013. la couverture est illustrée par une photographie, bien sombre d’un tunnel avec une sorte de scaphandrier s’éclairant d’une torche. En page 3, l’édito nous parle de l’exploration en Finlande de l’immense mine de stockage de déchets nucléaires, de ses interrogations. Et termine ainsi: voilà notre civilisation, nous marchons dans le noir, avec une simple lampe torche. Voilà notre témoignage, nos luttes, voilà nos rêves, nous les lançons sans regarder. Voilà Centre Commercial.

Il ne s’agit pas de « grands reportages » comme d’autres le font si bien, mais de sincérité, de justesse, j’aime les rencontres faites là.

 

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Un village français

Loin des plages et des sentiers battus, le village est là, dans le fond du vallon. Avec l’angélus qui rythme trois fois par jour le temps qui s’écoule, avec dans le ciel uniformément bleu, l’avion et son moteur à hélices évidemment, qui vrombit avec des hauts et des bas, et pour cause, il est lui aussi d’un autre temps. Cela semble éternel, sorte de madeleine que Proust décrit avec autant d’affection que d’acidité. Le goût que nous avons des choses, celui du bonheur est là, qui disparaît et revient. Le dernier Philosophie Magazine est consacré justement au bonheur, celui que traite avec difficulté Shopenhauer, celui, dont dans un chaleureux face à face de leurs vies, Pierre Rahbi et Michel Onfray partagent. Sérénité montante ancrée aussi dans sa maison natale normande pour celui-ci, frugalité heureuse trouvée dans le travail ressourçant de la terre pour celui-là. Ni l’un ni l’autre n’appellent à la violence ou au désespoir, plus à la lucidité et à la simplicité. Tant mieux.

Mon village français, celui que je contemple et que j’aime, est un lieu de paradoxe. Il est beau, calme, mais traversé par la modernité, sa rue principale a perdu ses quelques petits commerces, primeurs, tabac-journaux-livres, boulangerie… au profit du supermarché excentré au bord de la route nationale. Celui-ci, agrandit ses dernières années, est devenu le centre de l’activité. Dans la rue principale désertée, les panneaux à vendre sur une demi-douzaine de vitrines témoignent de la violence du succès d’un seul au détriment de plusieurs. Inévitable, disent les habitants, il y a tout, c’est climatisé, c’est moins cher…et l’on sent chez quelques uns comme une pointe de culpabilité.

Nous l’avons bien cherché, certes, puisque c’est notre choix d’aller plutôt qu‘ici. Le plus malin l’a bien compris. Il est le succès, provisoire, du Progrès. Et mon village meurt dans son ancienne formule, familière, ou en parcourant deux cents mètres, on entrait et sortait trois, quatre fois, après avoir dit bonjour d’autant plus. N’est-il plus qu’une apparence, source de photos ou d’images d’Épinal- souvenez-vous de la photo de campagne en 1981 du candidat François Mitterrand!- ou parle-t-il toujours de ce à quoi nous aspirons, racines, origines. A cette même époque, un documentariste, aujourd’hui disparu et que j’affectionne, Jean-Claude Bringuier, avait réalisé une série, Des Paysans, que nous éditons depuis  près de vingt ans. Il filmait les paysans, nous disait, regardez-les bien,  ils sont en train de disparaître. L’un de ceux-là, se comparait avec tous les paysans du monde, travaillant pour se nourrir et pour nourrir.

Le même geste, beau, miraculeux, inventif, celui qui laboure, sème, récolte, aide la bête à mettre au monde, élève le petit sous la mère,  le voit grandir, et l’abat aussi sans pudeur extrême, pour que l’homme ait de quoi manger à sa faim. La grandeur du geste humain dans un monde encore artisanal. C’était il y a 35 ans, un siècle!

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premiers jours chauds et premiers râleurs

C’est drôle, hier il pleut, on se désespère. Aujourd’hui, début des chaleurs,  du ciel bleu, d’un soleil ardent qui nous manquait, et voilà que déjà les grognons grognent. Trop chaud, disent-ils. En ville, le thermomètre qui dépasse 25° devient vite fatigant, mais je dois avouer que je goûte aussi ces moments du matin encore frais, ces autres instants ou à une terrasse de café, abrité d’un soleil déjà cuisant, je rafraîchis mes pensées- avec du frais ou du chaud-.  Allons, attendons encore avant de pester contre la chaleur. Le pire n’est jamais sûr. Le meilleur peut aussi arriver!

Et ce dimanche sous la tonnelle, enfin sous l’ombrage de quelques branches d’arbres fruitiers, après avoir gagné ce moment par une heure d’embouteillage, avec Max, j’évoque cette incohérence racontée dans mon précédent blog. Ces fermes de plusieurs centaines d’hectares qui travaillent pour le PIB, la croissance, la balance des exportations et finalement si peu pour les hommes de la terre, pour ceux qui nous nourrissent, comme pour nous, les gens des villes. La terre souffre, les paysans souffrent, les consommateurs nourris de produits sans goût et gavés de pesticides, souffrent. A quoi bon, cette industrialisation qui a désertifié les campagnes, sans résoudre la faim dans le monde?

L’écologie n’est pas qu’une affaire d’Etat, même si celui-ci doit l’inciter, et c’est l’actualité de ces jours-ci. C’est aussi l’affaire de tous. Chaque geste compte. Notre société de progrès, si arrogante et sûre d’elle, ne cesse d’accentuer le déséquilibre au détriment des générations futures. Futur? pas si loin. Imaginons ces températures accablantes se multiplier. Imaginons ces arbres fruitiers de l’Ile-de-France remplacés par l’aridité sableuse des déserts du sud ?

Avez-vous été surpris par la chaleur dégagée par votre portable? Celui que j’utilise par exemple pour taper ce blog? Celui que vous utilisez pour le lire. Pour ceux qui n’en ont pas fait l’expérience, mettez la main contre cette source de chaleur, qui peut être brûlante. Imaginez là encore tous ces appareils dans le monde et leurs effets sur l’élévation de température. Quel est le génial inventeur qui supprimera cette source de chaleur?

 

 

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Le bocage à la nage

C’est le titre du dernier roman d’Olivier Maulin ( Balland), un régal d’humour et de non-politiquement correct. Et si aujourd’hui, je vais lui emprunter quelques lignes poétiquement incantatoires, c’est pour parler d’agriculture plutôt que de culture, pour approfondir ce qui nous sépare de l’idée de progrès ( la tête à l’envers évidement), donc des conflits européens, des mauvais consensus ( la PAC, pourquoi?), et verser quelques larmes rétrospectives. Alors allons d’abord avec ce long emprunt au livre de Maulin. Pages 156 et 157, accrochez-vous, cela se passe aujourd’hui en Mayenne, du coté de Laval :

« Les haies, joyaux du bocage! Elles sont larges de plusieurs mètres constituées de chênes plusieurs fois centenaires, de charmes, de peupliers, de saules et d’ormes dont on fait les bois de charpente. On en émonde quelques uns pour favoriser la croissance des rejets et du feuillage. Certaines d’entre elles sont de petits témoignages de la forêt primaire que l’on a conservés lors des grands défrichements du Moyen Âge. Quand elles sont composées d’arbres fourragers, elles apportent, en plus du gîte, un complément pour l’alimentation des animaux sauvages. On y trouve des fruits et des baies, des noisettes, des prunelles et des mûres ainsi que des plantes médicinales. Le passereau, la fauvette, le bouvreuil, l’alouette lulu, la grive musicienne, la tourterelle des bois y nichent de même que la rainette arboricole, le lézard vert, la couleuvre à collier et la chauve-souris. Il y a la haie naturelle constituées d’espèces variées; la haie basse, taillée; la haie vive, large et touffue, sauvage, cinq à six espèces d’arbustes choisis pour leur feuillage, leur floraison et leurs fruits. Un peu de chèvrefeuille parfume le tout; la haie composite brise-vent, de plus de trois mètres de haut, qui protège les cultures. Toutes ces haies millénaires qui ont façonné le paysage furent une réponse magistrale de la sagesse des anciens à la dégradation et à l’érosion des sols. Elles apportaient en sus le bois de chauffage, abritaient le bétail, protégeaient des vents froids, amélioraient l’alimentation des nappes phréatiques, favorisaient la diversité de la vie. Mêlées aux talus et aux mares, elles ont créé le bocage, ce paysage d’équilibre. »

et là le Progrès arrive:  » Las, comme dit Péguy, l’époque est venue de ceux qui font le malin. De ceux qui considèrent qu’être né en dernier est un gage de supériorité. De ceux qui regardent le passé avec un petit sourire paternaliste. « Sil’on supprimait les haies, on gagnerait de la surface agricole »,pensèrent les malins en clignant de l’œil. Il y eut les remembrements intensifs, la destruction des haies subventionnée par l’Etat, le comblement des mares, l’assassinat des grenouilles rieuses et des tritons crêtés, l’agrandissement des parcelles et la monoculture; là ou l’on cultivait dix espèces, il n’en resta plus qu’une qu’il fallut inonder de pesticides pour éviter les maladies que toute culture unique appelle. Le résultat ne se fit pas attendre : ruissellement, érosion, inondations, cours d’eau pollués, disparition des poissons, appauvrissement des nappes phréatiques, assèchement des zones humides, disparition des oiseaux, prolifération des vers et des insectes nuisibles, utilisations de la chimie, là encore pour s’en débarrasser. Quinze millions d’hectares remembrés. Un million cinq cent mille kilomètres de haies arrachées ( sur deux millions!). Des destructions irréversibles. L’équilibre écologique ancestral brisé à tout jamais. Du vandalisme vendu sous le nom de progrès. De la bêtise crasse et orgueilleuse. « 

Fin de longue citation. A pleurer. Monsieur le Ministre de l’Education nationale, vous tenez là votre dictée de rentrée! Monsieur le Président de la Commission de Bruxelles, vous avez là votre prochain voyage, le Bocage, ou vous pourrez contempler un dernier carré de vie pas encore détruit par « la bêtise crasse et orgueilleuse ». Quand à nous lecteurs, nous savons pourquoi il faut décidément changer de point de vue.

 

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L’Appel du 18 juin: le pouvoir du Verbe

Cela se passe le 18 juin 2013, dans une mairie parisienne, quelques dizaines de personnes, dont deux classes du quartier, pour entendre 3 orateurs évoquer ce jour qui 73 ans plus tôt deviendra un moment de l’Histoire de France. Le premier, bref, rappelle les circonstances: à Londres, un général en rupture de banc avec la France légale, pénètre dans les studios de la BBC, la radio anglaise. Il est quasiment inconnu,. Il est accompagné d’un aide de camp, Geoffroy Chodron de Courcel, et d’une secrétaire Elisabeth de Miribel. Celle-ci a tapé le texte qui deviendra une légende vivante…mais que le technicien anglais oublie d’enregistrer. Le général de Gaulle reviendra le 22 juin à la BBC, mais lira un texte sensiblement différent. Nous n’avons que la version papier de celui du 18 juin.

Mais restons dans cet instant étrange, celui d’un rappel entre quelques uns, alors que dehors dans les rues parisiennes, la vie bruyante et active, ignore l’émotion de la mémoire. Le deuxième discours est celui du Président de l’Association des anciens combattants de l’arrondissement. Il avait 10 ans ce jour-là. Ses parents écoutent la radio, entendent l’Appel. Sa famille entre immédiatement en résistance. L’esprit de résistance comme une réaction instinctive, qu’on ne discute pas. Des mots inouïs, un geste rare. J’imagine ces hommes et femmes près de leur radio, les regards, les voix, les actions qui suivent, qui engagent. Une position courageuse, des français en France même qui disent NON !

Le troisième discours parle de l’Espoir. De ce qui tout à coup fait qu’en pleine débâcle du pays, quelqu’un surgit, incarne le sursaut, que le général de Gaulle ne fût pas le seul dans l’Histoire de France à se lever, à résister, à emporter le cher vieux pays comme il l’appelait. Qu’il ne faut pas désespérer. Jamais. Les mots là sont simples, directs. Rappellent la réconciliation franco-allemande, la rencontre De Gaulle-Adenauer, la poignée de main, l’Europe voulue par les deux hommes. Et aujourd’hui, ici même à Paris, la Chancelière allemande, Angéla Merkel, pour une Europe malmenée, en crise, et pourtant une Europe en marche, indispensable, que nous devons réussir. Instants capitaux. Mémoire qui frappe à notre porte. Dehors, la vie s’écoule, toujours ignorante de ce moment.

Le Verbe, l’Appel, je l’évoque un peu plus tard avec l’un de nous, d’ici, des Editions Montparnasse. En tête à tête, dans un café à coté du bureau, avenue du Général Leclerc, -un autre héros de la deuxième guerre, un des premiers compagnons de De Gaulle-, ou, étrange coïncidence des lieux, des dates, ou avant même que je ne parle du 18 juin, mon vis-à-vis, lui, me dit son admiration de sa lecture actuelle, des mots, du texte des Mémoires de guerre , de l’audace encore. De la position de ce Général, de ce que cela entraîne. Il me raconte là ou il en est, ce voyage à Moscou du général français qui vient rendre hommage à l’équipe d’aviateurs français du Normandie-Niémen. Une épopée, une aventure d’hommes dignes de l’Antiquité.  De ce que De Gaulle, seul, ose dire à Staline, se lever, quitter un dîner inutile où la vodka tient lieu de courtisanerie peureuse. Donner rendez-vous au dictateur quand il sera disponible pour parler sérieusement. N’importe quand, à n’importe quel moment de la nuit. Et Staline le rappellera en pleine nuit. Nous avons oublié le pourquoi de notre rapide déjeuner, celui de l’activité de l’entreprise. Nous sommes ailleurs.

Oui, la force de la volonté, le courage de la position.  Je dois dire que cette idée du NON, du moment ou l’on devine, ou l’on sent, ou l’on ose dire NON, est une question lancinante. Qu’aurais-je fait le 18 juin 1940? Que ferais-je demain si cette question se pose? Saurais-je deviner que l’instant est capital? Quelle sont les qualités qui me semblent nécessaire : courage, intuition? Comment reconnait-on cet instant? J’ai sous les yeux l’Appel du 18 juin. Le Verbe est là, incarné. Juste. Du bon coté encore. Mais ces mots auraient pu être dit autrement pour m’entraîner du mauvais coté. J’imagine, 18 ans, le 18 juin 40. Car la France n’est pas seule! elle n’est pas seule! elle n’est pas seule! répétera le Général de Gaulle le 18 juin. Oui, force des mots incarnés. Se souvenir.

 

 

 

 

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Europe: Nord-Sud, la Guerre de Sécession?

Nous n’en sommes pas là, mais ce qui se passe à Bruxelles en a des airs. La culture face à l’économie? Le Nord libéral et anglo-saxon face au Sud social-démocrate et latin? La France défend l’exception culturelle qui lui a permis de développer une industrie cinématographique puissante. Alors que la part de marché du cinéma américain frôle les 90% dans la plupart des pays européens, elle est proche de 50% en France. La production cinématographique française continue de se diffuser en France et dans le monde grâce à des mécanismes à la fois réglementaires et inter-professionnels. Une exception culturelle qui est une question d’identité et…d’économie.

Je fais partie de ceux qui pensent que la culture nourrit l’esprit, celui de valeurs qui nous font vivre ainsi plutôt que comme cela. Je suis encore de ceux qui pensent que l’image du commissariat de Los Angeles véhicule plus que son histoire, mais bien un mode vie, de pensée, de voir. Ainsi nous achèterions l’Amérique et ses produits en regardant depuis les années 20, films puis séries, et maintenant connectés dans les réseaux sociaux, une certaine façon d’être. Le Diable est dans les détails. Je me souviens de cette phrase d’un pape de la grande distribution dans les années 80: l’Amérique est le journal de demain.

Comprendre que ce qui surgit là-bas arrivera inexorablement ici. Les Google, Facebook, Apple, Netflix, ne me contrediront pas. Les traders non plus. L’Amérique n’a pas inventé ceux-ci – les banquiers génois de la Renaissance, les marchands hollandais du XVIIe, les commerçants anglais du siècle suivant les ont précédés- mais la vitesse de transmission, la multiplication des échanges, la fin des barrières frontalières ont amplifié les mouvements, nous le savons tous. L’Amérique est reine de ce monde. Elle me fascine par sa capacité d’innovation, son audace sans questions- oui une forme de cynisme et de puritanisme qui renforce encore sa capacité à faire-.  Donc voilà ce modèle de demain ou quand nous y arrivons, elle est déjà une innovation plus loin.

Mais pourquoi ne pas la copier alors, pourquoi ne pas accepter ses règles? Peut-être simplement parce qu’ici nous ne serions que cela, des suiveurs, coopérants d’un monde standardisé à l’extrême. Mais dire NON, et dire cela, ne résout pas le problème.

Quelle sera notre capacité à protéger notre culture? Oser, sortir de nos corporatismes, entreprendre, innover, oser encore. Nous en sommes loin! Il est urgent de faire l’Europe sur ses bases, et sur ses bases seulement.

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Seule la victoire est jolie

c’est la formule ( et le titre d’un livre co-écrit avec Jean Noli ) du navigateur Michel Malinovski qui, en 1978, vient de perdre après 23 jours de course la Route du Rhum avec 98 secondes d’écart à l’issue d’un final stupéfiant.

Cette phrase éclaire tout le sport: gagner, être le premier. En regardant à la télévision quelques matchs, en entendant les « han » ponctuant les balles, le score qui se creuse, le suspense montant, la souffrance de celui qui perd peu à peu, je ne peux  que regretter qu’il y ait un vainqueur et un perdant. Malheur au vaincu, aurait dit Jules César face à Vercingétorix déposant ses armes devant lui. Là c’est la guerre, l’humiliation, l’enjeu des batailles. Mais dans le sport, qu’est-ce qui nous anime au point de voir joueurs et supporteurs se déchaîner ?

A ces moments, nos sentiments sont contradictoires, voir Castres l’emporter sur le favori Toulon, voir l’outsider battre le champion sont un plaisir, mais voir perdre celui qui a si longtemps dominé le court de tennis! C’est bien me dit la psy, normal, cela permet le changement. Ce soir à Roland-Garros, le champion bat l’outsider. Le suisse Roger Federer « sort » le français Gilles Simon dans un beau match ou les deux joueurs nous ont fait vibrer. Je connais maintenant le prénom de Gilles, dit le vainqueur avec justesse. Le public français applaudit avec chaleur le suisse. Gilles Simon remercie la chance qui lui a permis de jouer contre le champion. Federer a déjà des mots pour évoquer ceux qui lui succéderont, peut-être celui qu’il a battu aujourd’hui. Et la victoire de l’un et la défaite de l’autre sont jolies.

 L’essentiel est de participer, disait le créateur des Jeux Olympiques, Pierre de Coubertin. Dans le foot, on en est donc si loin aujourd’hui que parfois on se demande pourquoi on joue encore dans les stades ou la violence règne? L’équipe du Gruppo sportivo exceslsior de Bolzano dans le Trentin-Haut-Adige, au nord de l’Italie, réconforterait Pierre de Coubertin s’il était toujours de ce monde: Ici on apprend à perdre, explique le responsable du club. Un minutomètre permet à tous les joueurs de participer à égalité de temps pendant le match. Ici avant d’être un joueur bon ou mauvais, vous êtes une personne, se réjouit le dirigeant du club!

Avouez que cette étrangeté donne envie d’aller voir du coté de Bolzano. Et merci au Monde magazine de diffuser ce type d’informations.

Une bonne nouvelle aussi chez nous à Montparnasse, celle du 10 000° fan de la Manufacture du Changement. Pour l’occasion, la Manufacture met en Une, le film de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global, qui nous montre justement des valeurs plus proches de Bolzano que de celles de ceux qui gagnent en écrasant, celles d’une frugalité heureuse peut-être, d’une proximité avec les hommes encore.

 

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