du pain et des jeux (suite)

Jésus Paradis, petit bar sympathique du 10° arrondissement de Paris. Jésus Paradis du prénom de sa patronne, Jésus, charmante et dynamique brésilienne. Avec l’aide du magicien des cocktails, Thibaut, elle met en route la projection sur grand écran des matchs de la Coupe du Monde. Enfin sa sélection, ceux du Brésil et de la France. Le reste du temps la play-liste de Thibaut encourage les énergies à discuter sans fin. C’est l’ambiance du quartier. Après la réjouissance de France-Suisse, la déception d’une équipe mollassonne, sans harmonie. Une qualification sans grâce. Dommage, on aimerait que ses champions soient toujours beaux et rassurants.

L’Algérie se qualifie. Barbès s’enflamme. Content pour nos voisins d’outre méditerranée. Mais le foot est décidément producteur d’excès nationaliste et xénophobe. Je n’aime pas le communautariste, même si je comprends l’attachement à ses origines. Là nous avons envie de dire, gardons raison. Parole perdue! Voilà, je me prends au jeu du jeu, à la cohésion du groupe, à l’indignation devant les mauvais, les mauvais joueurs qui croquent l’épaule ou croc en jambe, les arbitres qui ne peuvent pas tout voir. Trop ignorant des règles, je m’énerve devant le coup qui pousse. C’est physique, me dit mon fils. Je croyais que c’était au rugby que l’on pouvait se pousser, que là c’était la passe, le jeu du dribble…La Coupe du Monde 2014, une sacrée révision du code de bonne conduite. Ça remplace la guerre, me dit encore un optimiste. Bon, si c’est vrai!

 

 

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Actualités et médias : Du pain et des jeux

Titre d’un quotidien du matin: la victoire de l’équipe de France ( sur la Suisse) donne du moral aux français. Commentaire encore des journalistes politiques : si les brésiliens ne sont pas en finale, le Brésil implosera. Panem et circenses, pain et jeux du cirque, ou encore du pain et des jeux selon la formule attribuée sous la Rome antique à la distribution à la population,par les empereurs, de pains et de jeux pour obtenir sa bienveillance, la paix quoi! Je suis content de la victoire des français, d’autant plus que l’équipe est superbe, cohésion, rapidité, fluidité, un régal! mais je peux m’empêcher d’avoir une pensée pour le perdant.

Boko Haram, un nom qui effraie le monde entier. Cette secte islamiste qui enlève, tue, viole. Pauvres femmes et filles entre leurs mains, converties de force, mariées de force. Mais est-ce bien nouveau l’enlèvement de femmes par des « soldats » en guerre? Sûrement pas. Ce qui est nouveau, c’est le tapage médiatique autour de ces violences. Il n’y a d’ange pur qu’au ciel. Sur cette terre, nul n’échappe au diable, l’ange et la bête : quelque soit la couleur de sa peau, son origine géographique, sa culture, son instruction, son idéologie. L’Histoire est redoutable. Sans pardon pour l’homme, victime un jour, bourreau le lendemain. Et comme ce blog entend souligner l’influence des médias et la permanence de l’Histoire, ici il s’agit de montrer la résonance que les médias offrent à nos indignations. Nous pouvons aujourd’hui protester contre ces violences.

Vincent Lambert, « légume » ou pas « légume »? Le Conseil d’État vient de trancher dans ce qu’on appelle l’affaire Lambert, du nom de cet homme, en état végétatif depuis 6 ans, dont la femme demandait aux médecins l’arrêt des soins le maintenant en vie. Les parents de Vincent Lambert s’y opposait, au nom de la vie. Quelle vie? Avant son accident, Vincent Lambert avait exprimé à sa femme son souhait qu’il n’y ait pas d’acharnement thérapeutique s’il se trouvait dans cet état. Les médecins plaidaient pour l’arrêt des soins. « Légume » a tranché le Conseil d’État, dont le Président explique que c’est la plus difficile décision prise par ce Conseil depuis 50 ans. Et comme l’actualité ne s’arrête pas, je rajoute à ces lignes, celles qui tombent sur la décision de la Cour européenne des droits de l’homme interdisant à la France de mettre en œuvre la décision du Conseil d’État tant qu’elle n’aura pas statuer.

Ici on débat de la vie qui occupe un corps sans mouvement, là on tue et on viole sans vergogne des corps magnifiquement vivants. Quel prix donnons-nous à la vie? Peut-être, quoique on pense de la décision prise, que le plus bel exemple de ce prix, est ce débat même!

Je parle à un ami de l’Illusion démocratique. Il me répond, les Lumières m’ont toujours nourri. Il a raison, et mon blog lui donne tort. Il a tort, et mon blog lui donne raison. Nous sommes nourris d’espoir et de désespoir. La vie, quoi!

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le deuxième sexe

Il y a soixante cinq ans, en 1949, Simone de Beauvoir jetait un pavé dans la mare. Avec le Deuxième sexe, place attribuée jusqu’à ce moment à la femme, elle en analysait les conditions dans le Monde occidental, et établissait les moyens de son émancipation. Essentiellement liés à la contraception ( contrôle des naissances) et à l’accès au travail ( pas le travail domestique, ménager!). Pour cela, disait-elle, la femme doit aussi sortir de sa passivité, de sa soumission face à l’homme sexiste, lâche et cruel. Après Simone de Beauvoir, d’autres femmes se battront, Simone Veil défendra le droit des femmes à  l’ interruption volontaire de grossesse ( IVG ). En 2014, un siècle après le mouvement des suffragettes, la femme européenne a acquis l’ensemble des droits qui font d’elle juridiquement, socialement, culturellement l’égale de l’homme. La question de la vie demeure douloureuse pour beaucoup. La femme montre alors qu’elle porte autre chose que l’homme. D’une importance capitale. Que ses choix lui appartiennent doublement.

Pourtant dans de nombreux pays, la cause des femmes semble régresser: Iran, Pakistan, Inde, Afghanistan, Indonésie– on voit le sultan de Brunéï décréter la charia, et enfin une réaction des people contre cet homme si riche et si puissant, appelant à boycotter les hôtels de luxe dont il est propriétaire. Au Soudan, des femmes sont lapidées parce qu’elles ont osé changer de religion, se convertir au christianisme ou épouser un musulman en gardant leur religion d’origine. Quelle folie agite ces hommes dans tous ces pays. Plus près encore, des femmes algériennes, tunisiennes, réclament la liberté de vivre, s’habiller comme elles le souhaitent. Hors du poids de la religion, ou de la tradition.

Pourquoi le deuxième sexe est-il toujours opprimé, encore plus opprimé aujourd’hui qu’hier. Quel est ce mouvement que nous voyons grandir? Y a -t-il un enseignement, une science qui puissent affirmer que les femmes n’aient pas les mêmes droits que les hommes? La cause des femmes est urgente. Celle de leur liberté. De leur vie. Une amie me dit : les hommes oppriment les femmes parce qu’ils ont peur d’elles, de leur sexe précisément, de leur puissance créatrice, parce qu’elles sont l’origine du monde. D’aucuns parlent de Gaïa, la déesse-mère des premières croyances humaines, déesse de la fécondité devant laquelle les hommes se prosternaient. Est-ce la découverte pas les hommes qu’ils sont à l’origine de la fécondation? Gaïa est alors détrônée, des figures masculines s’imposent. Dans l’Olympe grecque,  dieux et déesses s’en donnent à cœur joie, sans morale et pudeur. Ils sont nos caractères masculins et féminins. Un instant ensemble.

Sur le mont Moïse, dans le désert du Sinaï, Yahvé, et la morale des Dix Commandements, ouvrent une nouvelle ère. Nous sommes là sous la figure paternelle des religions du Livre. La femme est « protégée » par l’homme. Pourquoi? Est-ce la peur de l’homme devant la force de la création qui a inversé celle-ci pour se donner le premier rôle, est-ce la peur de perdre la paternité, un jour découverte. Il fallait enfermer la femme, la mère, la fille. Allons il est temps de changer! Et si le deuxième sexe redevenait le premier, reprenait sa place, celle de l‘Origine du monde ? Et si les sexes se réconciliaient, s’il n’ y a avait ni premier ni second?  Et si la figure maternelle de la fécondité et la figure paternelle de la fécondation ensemble créaient l’harmonie d’un monde naturel, préservé? Un vœu pieux rétorqueront les septiques et les cyniques. Je le fais quand même.

 

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6 juin 1944.

Ça s’appelle Education européenne…dans un blog précédent, j’évoquais le roman de Romain Gary écrit en 1943, en pleine tourmente de la guerre. Romain Gary y raconte la vie d’un groupe de partisans cachés dans la forêt polonaise. Etudiants, paysans, ouvriers, communistes, royalistes, libéraux, mourants de faim et de froids, au plus épais de l’hiver, et vivants quand même, faisant le coup de feu contre les allemands. A ce moment de leur épopée, ils espèrent la victoire de l’Armée rouge à Stalingrad. Et rêvent d’une Europe nouvelle, celle d’ après la Victoire. Leur tanière est pleine de livres. Entre deux coups de mains, ils imaginent, pensent, parlent : – tu aimes les russes, toi ? -j’aime tous les peuples, dit Dobranski, mais je n’aime aucune nation. Je suis patriote, je ne suis pas nationaliste. -quelle est la différence ? -le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres. Les Russes, les Américains, tout ça…il y a une grande fraternité qui se prépare dans le monde, les allemands nous auront au moins valu ça…   L’étudiant en droit polonais, Dobranski, ignore que trois ans auparavant, dans la forêt de Katyn, quatre mille officiers polonais ont été massacrés par la police secrète de Staline, que bientôt le rideau de fer s’abattra sur son pays, que Stasi, NKVD signifieront pour des millions d’hommes le goulag et la mort.

Cette Europe à laquelle il aspire, pour laquelle il meurt, se réalise-t-elle aujourd’hui ? Les Pères fondateurs l’ont voulu pour que les peuples européens ne se fassent plus la guerre. Plus jamais ça, la der des der, disaient les rescapés de 14/18 ; Plus jamais ça, répétaient les hommes de la réconciliation franco-allemande, Charles de Gaulle, Konrad Adenauer, et quelques autres visionnaires. Ecoutons encore les jeunes résistants d’Education européenne :   –Ça s’appelle Education européenne. C’est Tadek Chmura qui m’a donné ce titre. Il lui donnait évidement un sens ironique…(…) -l’Europe a toujours eu les plus belles Universités du monde. C’est là que sont nées nos plus belles idées, celles qui ont inspiré nos plus grandes œuvres : les notions de liberté, de dignité humaine, de fraternité. Les Universités européennes ont été le berceau de la civilisation. Mais il y a aussi une autre éducation européenne, celle que nous recevons en ce moment : les pelotons d’exécution, l’esclavage, la torture, le viol- la destruction de tout ce qui rend la vie belle. C’est l’heure des ténèbres. -elle passera, dit Dobranski.

Alors que l’on célèbre le centenaire de la naissance de Romain Gary, né Romain Kacev à Vilnius en 1914, voilà des pages à relire. Cosaque un peu tartare mâtiné de juif, comme il aimait à se décrire, Gary savait pourquoi il désirait l’Europe. Un rêve fou. D’amour pour l’Europe. Cette Europe dont nous rêvons toujours, celle d’une humanité, d’une culture, d’une fraternité. Cette Europe idéalisée qui se heurte aux violentes contingences humaines : la guerre économique n’est-elle pas une guerre qui ne dit pas son nom ? Les hommes ne meurent pas dans les tranchées et les maquis. Ils meurent dans des zones désaffectées, les villes et les industries asséchées, des régions entières appauvries, sans espoirs.   Les pays européens revivent l’affrontement de leurs différences. La dure loi de la finance impose ses choix. Il y a des vainqueurs et des vaincus. Il y a encore la loi du vainqueur. Ceux qui se sentent vaincus rejettent l’Europe du vainqueur.

Le Compagnon de la Libération Romain Gary doit se retourner dans sa tombe devant un tel contre-sens, un contre-sens mortel. Charles de Gaulle ne voulait pas d’une Europe supranationale, mais d’une Europe des Etats et des peuples,  jusqu’à ce que les peuples européens, si différents, se soient suffisamment rapprochés pour mettre plus de politique entre eux, et cela sans rien perdre de la grandeur de chacun. Ne rien diminuer. Il faudra très longtemps pour y arriver, disait-il, et encore ne parlait-il que des 6 pays des origines. Le père fondateur Jean Monnet voulait une Europe économique, libérale proche de l’Amérique, très vite dirigée par une Europe politique. Il y voyait une volonté et une force communes. Le père fondateur Robert Schuman voulait une Europe humaniste d’inspiration sociale chrétienne.  De quelle Europe voulons-nous ?

6 juin 1944- 6 juin 2014. nous commémorons aussi cette Europe!

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Du Coupable idéal à Welcome to New York.

Le Coupable idéal, c’est le titre du documentaire réalisé par Jean-Xavier de Lestrade sur une erreur judiciaire aux Etats-Unis, qui sera récompensé par l’Oscar du meilleur film documentaire. Il avait fallu l’acharnement de deux avocats pour que l’innocence de l’accusé soit reconnue. Le « coupable idéal » était un jeune noir, pauvre, sans moyens de se défendre. Jean-Xavier de Lestrade faisait une analyse décapante du système judiciaire américain, ou le Procureur ne cherche pas la vérité, mais à avoir raison. Ou l’avocat est aussi un enquêteur. Ou au final, l’accord entre les parties n’est pas la reconnaissance de la vérité, mais celui qui met un point final à une affaire. Dans cet art du compromis, l’argent est au cœur du dispositif. La justice américaine est hors de prix, en frais d’avocats certes, mais aussi pour le contribuable dans le cadre d’une justice élue par celui-ci. Le compromis met fin à des procédures exorbitantes pour toutes les parties. Jean-Xavier de Lestrade continuera son analyse de la justice américaine avec l’incroyable « The Stair case« , en français Soupçons, que vous pouvez revoir ici en DVD ou en vidéo à la demande.

Cette analyse du système judiciaire américain revient avec l’actualité cinématographique autour de l’affaire DSK . Les conditions de la sortie du film Welcome to New York, le battage dans toutes ses dimensions, les critiques encore, ont tout dit ou presque. Mauvais film, disent ceux-ci déçus d’un tel échec cinématographique,  dégoût disent ceux-là qui se voient diffamés par l’option du réalisateur… en fait, pour moi,  cette invraisemblable fait divers remet en avant  un roman étonnant, et un récit tout aussi violent: le Bûcher des Vanités de Tom Wolfe, d’une part,  le Mystère von Bulow, d’autre part.

Le film de Barbet Schroeder, avec Jéremy Iron et Glen Close, a été réalisé en 1990 à partir d’une histoire réelle racontée par l’avocat de Clauss von Bulow. C’est celui-ci, Alan M. Deshowitz,  un juriste de haut niveau, qui par son acharnement à rechercher les éléments troublants, retournera un procès perdu en procès gagné. Clauss von Bulow sera innocenté sans que l’on ne sache rien de la vérité. Le mystère reste entier, faute de preuves. Le Bûcher des Vanités, écrit en 1988, plus de 20 ans avant l’affaire DSKlui, est une pure fiction. Il nous montre la descente aux enfers d’un jeune trader par les volontés politiques associées d’un Procureur à la recherche de sa réélection et d’un leader mafieux de la communauté noire du Bronx qui assied ainsi un peu plus son pouvoir sur l’argent des blancs. Le jeune financier, arrêté puis menotté, est présenté, définitivement humilié, à une meute hurlante de photographes…

…on ne peut s’empêcher tout au long de ce roman de voir aussi DSK dans une telle situation. Sous les flashes des photographes, effrayé, piégé, comme la bête blessée qui attend le coup de grâce des chasseurs. Il faut lire et relire le roman de Tom Wolfe. Il ne fait pas de DSK un innocent, ni un coupable- seuls les deux protagonistes de cette affaire connaissent la réalité de ce qui s’est passé ce jour-là dans la chambre de l’hôtel Sofitel- il nous permet certaines possibles ressemblances. De son côté, le Mystère von Bulow n’a pas d’analogie directe avec l’affaire DSK, c’est simplement la démonstration du rôle de l’argent et de l’acharnement de la presse dans une affaire ou la vérité n’éclate pas. Pis, celle-ci, passant de l’autre côté du miroir, se cache-t-elle un peu plus derrière les apparences renvoyées par celui-ci.

Peut-on dire en conclusion que le principe français du doute bénéficiant à l’accusé, d’une morale qui nous dit qu’il vaut mieux un coupable dehors qu’un innocent en prison, s’impose toujours. Le film d‘Abel Ferrara en outrepassant ce principe et en tentant de nous imposer sa vision au détriment de toute vérité connue, d’un mystère qui nous laisse dans ce fameux doute, ne mérite guère plus que ce qui en est dit. Injuste et dégradant.

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Quatre jours en mai.

Ce 8 mai 2014, dans le petit village du Sud-ouest où je passe les 4 jours d’un de ces « ponts » qui font de ce mois un gruyère dans la productivité française, j’écoute le maire lancer l’appel, un nom sur la plaque du Monument aux Morts, une réponse des vivants : « mort pour la France… ». 9 appels pour 14/18, dont trois frères, 3 pour 39/45. L’écharpe tricolore qui ceint l’édile, le drapeau qui s’incline, la solennité donne à ce moment toute sa force. Une trentaine d’habitants présents pour une centaine d’électeurs, un tout petit village de Dordogne se souvient. Une Marseillaise retentit sortant d’un appareil branché à une fenêtre de la mairie qui surplombe la cérémonie. La paix est là. L’émotion aussi. Le maire évoque la patrie défendue jusqu’à la mort, le nationalisme, source de tous les maux, comme l’a ainsi saisi Romain Gary dans l’Éducation européenne, écrit en 1943, publié en 1945, un des plus beaux livres sur la Résistance : le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme, la haine des autres.

Au verre qui suit devant la mairie, les conversations en viennent à l’Europe. Aux élections prochaines, au désir d’Europe, la fin des guerres meurtrières, la réconciliation franco-allemande, le désamour aussi, la technocratie bruxelloise, le sentiment de n’être ni entendu, ni protégé. Cela me paraissait irréel. Quel malentendu ! Les hommes qui travaillent ici, qui veulent simplement vivre en paix, élever leurs enfants, aimer leurs proches, savourer les bons moments, sachant que le malheur peut s’abattre à chaque instant, et que raison de plus. Nous évoquons, dans ce soleil chaud de mai, un disparu de l’hiver,  mort subite laissant une compagne désemparée, une succession douloureuse. Le maire, un des 36 000 maires de France, me raconte comment il a aidé l’une, calmé les autres. Voilà cette étonnante solidarité, ce service quasi bénévole d’un élu qui aime les autres. Il ne compte ni son temps, ni sa peine. Il en retire sûrement beaucoup. Nous aussi.

Mon vieil ami F. , 17 ans en 1940, résistant dès cet âge-là, arrêté, déporté en Allemagne, évadé deux fois, participe à la libération de Paris, finit la guerre en Allemagne dans la Première armée. Un parcours extraordinaire accompagné d’une rare modestie : ce sont les circonstances qui m’ont permis de faire autre chose que ce pourquoi j’étais destiné, boulanger comme mon père. Les circonstances et le patriotisme de mon père, ce boulanger de Belleville, amoureux de la France. Et F. me confie qu’il a pleuré 2 fois dans sa vie, la première en apprenant le débarquement des troupes alliées sur les plages de Normandie  le 6 juin 44. Puis 40 ans plus tard lorsque François Mitterrand, se saisit soudainement de la main de Helmut Kohl, alors que la Marseillaise retentit. C’était le 22 septembre 1984 devant le catafalque de l’ossuaire de Douaumont. Les deux hommes d’Etat commémoraient les morts de la Première guerre mondiale. Après la réconciliation franco-allemande lancée par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, en 1958, le geste de François Mitterrand, cette main prise du Chancelier allemand– revoyez la photo- faisait le tour du monde, émouvait des millions de français et d’allemands. L’Europe prenait tout son sens. Ce sens existe-t-il toujours ? Allemands et français devraient à nouveau s’interroger sur celui qu’ils veulent lui donner.

Deux jours plus tard, samedi, le village fêtait les nouveaux conseillers municipaux, ceux des élections de mars, au nombre de 11. La fête, c’est ici de « monter », au domicile même de l’élu, le Mai, un mat d’une dizaine de mètres surmonté d’un drapeau tricolore et d’une pancarte : « honneur à notre élu ».

Et ainsi toute la journée, on va de maison en maison, hisser le Mai, boire un verre, manger quelques fromages et gâteaux, et partager une convivialité plutôt rare. La journée ne suffisant pas à faire le tour du conseil municipal, rendez-vous est pris le 30 mai prochain pour les 7 élus pas encore honorés. Pendant six ans, jusqu’aux prochaines élections, le Mai montrera de loin et à tous qu’ici réside un homme ou une femme désigné par ses concitoyens pour administrer les affaires de la commune.

L’Europe a partiellement financé la trop coûteuse, bien utile mais trop fragile, mairie du village – obsolescence programmée du temps actuel ou ignorance des métiers ?- de l’autre coté du Monument aux Morts, la modeste et belle église romane, témoigne, elle aussi, d’une culture européenne, éternelle dans ses pierres.

8 mai 2014, souvenir et espoir pour une Europe à construire, pas n’importe comment.

 

 

 

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Local quand c’est possible oui,

me répond le journaliste Jacky Durand, auteur dans Libération des Papilles du vendredi, (1) ou il visite à sa manière les recettes de la bonne cuisine française : les haricots rouges, les fèves de cacao, les bananes, pour ne prendre que ces exemples, ne poussent pas ici. Ne soyons pas obtus, suivons les saisons, allons chercher ailleurs ce qui ne pousse qu’ailleurs. En revanche calculons l’empreinte écologique du transport! 

Je suis d’accord avec lui, mais je crois qu’il ne faut pas se tromper, le paysan du tiers-monde, à l’instar du maraîcher de l’AMAP, est déstabilisé par la demande qui vient d’ailleurs. Celle-ci stimule des concentrations productives, la perte de la petite production familiale et locale. Les européens qui demandent au paysan chilien plus de haricots construisent aussi un affaiblissement de la production locale et une dépendance des acheteurs étranger.

Le consommateur est déterminant aujourd’hui dans les choix de production et de distribution. Savoir consommer remplace pour moi le consommer le plus possible au meilleur prix. Le meilleur prix n’est qu’une apparence dont les dégâts peuvent être immenses. La démagogie du pouvoir d’achat laisse notre pays exsangue. Il faut changer de discours.

(1) et de Cuisiner, un sentiment et Tu mitonnes l’été, Tu mitonnes l’hiver, chez Carnets Nord/ Editions Montparnasse

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L’alimentation bio sans déguisement. Message de Laurent ce matin

je reçois du maraîcher de l’AMAP ( voir mon précèdent blog) ce message ce matin. Bref. Simple. Sans déguisement:

Bonjour à tous,

Vous allez avoir du mesclun cette semaine dans les paniers qui vous sera livré en petites mottes pour qu’il se conserve mieux. Vous pouvez mettre ces mottes dans verre avec un peu d’eau pour qu’il se conserve ou même les replanter dans un pot, couper à 10cm et attendre que ça repousse!

Les paniers seront plus petits car nous sommes en période charnière comme chaque année (fin des légumes d’hiver/ légumes de printemps en train de pousser). Les carottes seront petites (ce sont les dernières parcelles d’hiver qui nous restent). Les épinards de plein champ sont montés (trop d’amplitude thermique entre le matin et l’après-midi) et les radis ne lèvent pas (pas une goutte d’eau depuis un mois). Rassurez-vous, les blettes arrivent et bientôt les choux pointus. 2 serres de tomates sont déjà plantées et quelques petites tomates d’un centimètre commencent à apparaître (et devraient arriver à maturité fin juin).

Sinon, on attend avec impatience la pluie pour que tous les semis qui viennent d’être faits ces dernières semaines lèvent.

Nous espérons avec lui la pluie!

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C’est décidé, je n’achète plus que des produits bio locaux.

La nouvelle est renversante, elle est dans le Vu d’ailleurs de Cécile Boutelet ( le Monde du mercredi 23 avril). Elle nous raconte l’histoire de ce producteur allemand, pionnier de l’agriculture biologique qui, après avoir cultivé pendant vingt ans ces terres selon les préceptes du bio,  abandonne cette pratique alors même que le marché est en pleine croissance: 23000 fermiers bio, 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Allemagne, un succès destructeur: 50% du bio vendu en Allemagne a parcouru des milliers de kilomètres, et produit à faible coût prend la place des locaux dans les linéaires des « bio discounters ».

La production locale est remplacée par une production mondialisée, à faible coûts de main d’oeuvre, sur de grosses exploitations, qui seules peuvent résister à la concurrence. Nous dit ce producteur désespéré! Produit ailleurs, à bas prix, parcourant des milliers de kilomètres!! le contraire de ce qui est l’idée même du bio, bon pour la santé certes parce que sans produits chimiques, mais aussi bon pour notre environnement, respectueux de valeurs humanistes.

Prenez les AMAP, les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, on y adhère pour soutenir un petit paysan qui, sur deux hectares, va nourrir hebdomadairement 80 à 100 familles de sa production maraîchère saisonnière. On s’engage pour un an vis à vis du producteur sur un prix fixe de panier quelque soit la production et ses aléas. Un panier de légumes et de fruits. Pas de fraises avant mai-juin, pas de tomates avant juillet-août ( selon les régions). Des poireaux, des pommes de terres en ce moment, parfois l’abondance et la répétition, c’est la terre sans déguisement. Pas calibrée, la pomme de terre ou la tomate, mais quel goût. Je suis adhérent d’une AMAP, à Paris, depuis plusieurs années. Il faut aller chercher son panier dans une cour à coté, le mardi entre 18 heures et 19 heures 30, participer soi-même de temps en temps à la distribution.

Le producteur vient des environs de Senlis, dans le nord de Paris. Voilà du local. Du bon, du bien, du beau! De la confiance encore. Mais je complète aussi dans les magasins du quartier, chez Bio, c’est bon ou chez Naturalia. Maintenant je vais regarder d’ou vient ce complément, d’ailleurs, hors saison, ayant parcouru des milliers de kilomètres, déséquilibrant le local? Ah non! Chez nous le prix bas made in China a détruit des centaines de milliers d’emplois, le discount ne doit pas détruire le bio.

 

 

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la sottise et l’avidité de l’homme !

la phrase exacte, que je tire de l’éblouissant Archives du Nord de Marguerite Yourcenar, est : ce qui danse aujourd’hui sur le monde est la sottise, la violence, et l’avidité de l’homme. (1)  Je ne peux m’empêcher de relire ces mots, les phrases qui les précédent ou elle interroge la destruction en cours à l’aube du XXI° siècle. Et encore Archives du Nord, publié en 1977, n’était qu’annonciateur de ce que nous voyons à l’œuvre 35 ans plus tard. C’est la force de l’écrivain, du penseur, de pouvoir interroger la marche des choses, de tenter de comprendre et de dire.

C’est notre problème à nous d’entendre et de changer. La même semaine, deux articles ( le Monde du 8 avril) se superposent pour moi avec les pages prémonitoires de Marguerite Yourcenar. Celui consacré à la réélection de  Xavier Beulin,  par ailleurs puissant patron du premier groupe agro-alimentaire français Sofiprotéol, comme président de la FNSEA, la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Le portrait qui en est fait montre un homme entreprenant, industriel, financier, obsédé par l’agriculture intensive, favorable au développement des OGM, à celui de la concentration des exploitations, d’abord préoccupé par le rendement et la rentabilité. Je dis deux articles parce qu’un autre article dans le même quotidien fait état d’une enquête financée à hauteur de 3 millions d’euros -et mobilisant 1300 inspecteurs de l’agence européenne de santé- par Bruxelles, sur le déclin catastrophique des abeilles en Europe. (2)

Cette étude est un peu étrange (…) elle ne mentionne pas le mot pesticide! commente l’apidologue David Goulson. Et oui, cette gigantesque étude a traqué les parasites dangereux pour les abeilles en évitant soigneusement ce sujet qui fâche les lobbys agro-industriels, ceux qui gagnent  tant d’argent avec les pesticides, répandus par milliers de tonnes quotidiennement sur nos cultures. Les agriculteurs qui les répandent ont tort, à double titre, l’abeille pollinisatrice est vitale pour les champs, les cultures,la fertilité et la reproduction des espèces végétales, et donc animales. L’agriculteur qui ne se tourne pas vers l’écologie, vers une agriculture protectrice de la nature, les lobbies, qui arguent de la production faussement nourricière du monde pour développer leurs profits, seront un jour dénoncés comme à l’origine de ce qui sera qualifié de crime contre l’humanité. Bruxelles, qui oublie d’enquêter sur les méfaits des pesticides- si à l’écoute des lobbies- sera alors accusé de complicité de ce crime.

En fait, ces boucs émissaires seront inutiles, comme inutile notre sentiment de victimes. Trop tard! Nous aurons été à la fois victimes et responsables de nos choix politiques, de nos choix de consommateurs, de nos choix égoïstes. La sottise et l’avidité auront eu raison de l’homme. Einstein a prédit la fin de l’humanité le jour de la disparition des abeilles. Que dire de plus?

(1) Archives du Nord, éditions Folio, pages 366, 367, 368…

(2) voir aussi le documentaire, La disparition des abeilles, la fin d’un mystère, en DVD Éditions Montparnasse

 

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