de l’enfer au paradis : goût et dégoût.

On ne parle plus que de cela. Il obscurcit la rentrée littéraire, bouscule l’agencement des tables des libraires. Les médias en font leurs choux gras. Son titre est trompeur : Merci pour ce moment, qui trahit si bien la vie intime de deux êtres. L’auteur se venge de l’infidélité et choisit de tuer l’autre. Les extraits lus, montrés, vont du ridicule à l’ignoble. Que dire encore du dégoût qui s’empare devant cet « événement »? Nous sommes en enfer. La tragédie n’est pas antique, si elle est humaine – et encore, elle aurait pu le tuer d’un coup de revolver puis s’empoisonner, cela aurait eu de la gueule !-. La vengeance poursuivra son auteur, dépassée par son acte.  Quand à moi, je n’ajouterai pas un euro et une minute de lecture à ce si joli « coup » d’édition. Tu es jaloux, me jette un confrère! Non, décidément non.

Le paradis, on le rencontre à la lecture du Royaume d’Emmanuel Carrère, encensé par la critique. Lecture réjouissante, fascinante. Audace de l’écrivain qui rend haletante une histoire connue et aujourd’hui oubliée ou méprisée par nombre ( en Europe, mais pas en Afrique, ni en Amérique) des enfants de ceux qui crurent longtemps en elle. Ici il s’agit des premiers temps du christianisme, de notre Histoire , puisque cette religion est fondatrice de nos valeurs, y compris chez le mécréant Voltaire ou dans la Déclaration des Droits de l’homme : Liberté, égalité, fraternité, des mots nés il y a 2 000 ans. L’exploit de Carrère, le Je, qui déambule entre Paul et Luc sur les bords de la méditerranée orientale, est cette familiarité personnelle avec cette croyance naissante. Des croyants pourront y voir la négation du dogme, la plupart retrouveront le mystère de la Foi qui ne demande pas d’explications, les autres, incroyants, curieux, découvriront un passionnant récit, la force inconnue et mystérieuse des origines du Christianisme. (1)

La folie Gary. Romain Gary-Emile Ajar. Nous connaissons le caméléon, écrivain, diplomate, deux Prix Goncourt, 7 pseudos, le héros, pilote de guerre sans peur, Compagnon de la Libération, l’homme toujours toute sa vie enfant de sa mère. Et voici que Gallimard, pour célébrer le centième anniversaire de sa naissance, publie deux ouvrages: Le Sens de ma vie, un entretien réalisé en 1980 par Radio-Canada, quelques mois avant son suicide. En le lisant, je le vois, le séducteur vieillissant, le beau pirate slave, tournant et retournant le sens de sa vie. Il me touche infiniment. Il est l’excès même de la vie : force et désespoir. Fou de la vie, qui écrit à 19 ans un texte, Le Vin des morts, refusé alors par tous les éditeurs. Robert Denoël accompagne son refus d’une analyse de la Princesse Mathilde, élève de Freud : ce texte est l’œuvre d’un malade. Publié aujourd’hui pour la première fois, ce livre rejoint non pas l’enfer, mais le purgatoire, celui que nous montre Gary dans un récit violent et sombre, cru et sanglant : Dans un cimetière, les humains en décomposition continuent de vivre sans répit, ni pitié. En attendant quoi? Comment un si jeune homme a-t-il pu imaginer ce monde au-delà et ici? Ou est Gary aujourd’hui ?

(1) avec quand même une interrogation sur 6 pages, de 390 à 396, qui me semblent vraiment relever d’un autre livre, à venir peut-être!

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur de l’enfer au paradis : goût et dégoût.

Terminus Allemagne

La rentrée à Editions Montparnasse et à Carnets Nord est majuscule : majuscule avec la sortie en DVD du film Minuscule, cette aventure émouvante et désopilante d’une coccinelle, des charmantes fourmis noires et des voraces fourmis rouges. A sa sortie au cinéma, la presse fût unanime: l’inventivité de l’animation française est dans ce somptueux récit pour tous, parents et enfants! 1 500 000 de spectateurs en quelques semaines plébiscitèrent le film. Il est là en blu-ray et 3D dans vos rayons préférés. Je voudrais simplement ajouter ici que ce beau film marque aussi l’originalité française face aux « licences » américaines et que cette originalité doit « nourrir » l’enfance comme l’imaginaire doit rester à l’écart du marketing.

La deuxième sortie majuscule est le titre de ce blog: Terminus Allemagne, celui du livre que Carnets Nord publie le 2 septembre. Mes lecteurs savent qu’en général je ne raconte pas l’histoire du film ou du livre. J’ai horreur que l’on me livre, dans une critique, le sel du récit, que l’on me retire la découverte, voire la surprise de la fin, comme cela arrive trop souvent. Je vous dirai donc simplement de Terminus Allemagne que cela se passe entre 1933 et 1953 pour l’essentiel, en Allemagne. Que l’action démarre en 1948 à Lindau, sur les bords du lac de Constance, avec le récit d’une magnifique rencontre amoureuse… que la tragédie flirte avec la ridicule, que l’histoire narrée est vraie. Que cela nous révèle un pan ignoré de l’Histoire d’après-guerre. Un détail encore, le récit commence dans la zone d’occupation française. Le héros est un magistrat juif allemand qui retrouve l’Allemagne après 10 ans d’exil et 15ans de déchéance de ses droits. Allons tenons parole.

Terminus Allemagne a eu le Prix du livre allemand, l’équivalent du Prix Goncourt. Le plus beau livre de la rentrée a titré le grand quotidien allemand Frankfurter Allgemeine. Livre d’histoires et d’Histoire,un  livre à tiroirs multiples, pour moi une belle découverte.

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur Terminus Allemagne

revenir sur terre

Quelques jours suffisent parfois à nous dépayser. Et revenir sur terre, expression qui veut bien dire ce qu’elle veut dire. Hier encore j’étais sur la lune! Cet étrange pays entre Aubrac et Laguiole, des plateaux, creusés de gorges ou s’écoulent les rivières descendant des monts qui nous entourent. Un chemin à droite sur le plateau. Avez-vous déjà goutté des framboises sauvages? Dans la haie, elles apparaissent, d’un rouge sanglant, en tout petit nombre, si petites aussi qu’on les prends avec la délicatesse qui convient. Leur saveur éclate dans la bouche. Tellement plus douce et forte que celles des barquettes, ou grosses et artificielles, elle ne donnent que l’imaginaire du bon, un instant. Le chemin continue, un hameau d’anciennes fermes retapées, mal, avec leurs haies de thuyas trop sombres. Je maudis, à ce moment là, les pépiniéristes qui aident les français à défigurer nos régions. Pépiniéristes svp,  encouragez la plantation de haies de feuillus locaux. En bas du hameau, surplombant la vallée, une ferme, dans son jus, nous dirait l’agent immobilier de service, sauf que celle-ci n’est pas à vendre.

Un beau linteau de pierre encadre la porte du logis. Un chien aboie. La porte s’ouvre. Trois femmes sortent à notre rencontre. Je veux m’excuser de cette curiosité inopportune que déjà la plus jeune s’empare de la main de C. à coté de moi, l’embrasse sur les deux joues. J’ai déjà parlé des rencontres, des instants de grâce. Béa, jeune handicapée de 16 ans, ne quitte plus la main de C., alors que sa mère nous raconte l’histoire de la ferme familiale, quittée 40 ans plus tôt pour monter à Paris, ouvrir une brasserie dans le 16°arrondissement. La famille de trois enfants, la petite fille handicapée, élevée, portée par toute la famille, heureuse de revenir chaque année pour un mois chez l’oncle. Plus bas, sur son tracteur, l’oncle fane le foin, enfin coupé et sec dans ce mois humide. La simplicité de l’accueil est bien d’ici. Nous la retrouverons partout. Se quitter est facile. Comme se retrouver, pour eux le retour annuel sur l’Aubrac. Les choses familières se rencontrent simplement, en douceur.

De Laguiole, le guide du Routard annonce le coté Lubéron, exception dans cet Aveyron si naturel. Le fameux restaurant Bras, qui domine le village, n’y est pas pour rien. A Paris nous avions vu le film Entre les Bras, portrait sur le père et le fils, ou se dessinaient la puissance du fondateur, la volonté du successeur, les difficultés de la passation de pouvoir entre l’un et l’autre. Nous n’irons pas vérifié leurs talents culinaires. Le village n’est lubéronnesque que par le contraste avec les avoisinants. Un coté déambulation touristique sur 500 mètres, un peu trop de magasins de couteaux, la fameuse spécialité du pays. Chacun annonce bien visible, la fabrication artisanale et locale. Un conflit violent et ubuesque oppose la ville, ses couteliers à un malin. Celui-ci a déposé il y a quelques années la marque Laguiole, fait fabriquer ses couteaux en Chine. Et inonde le marché français de couteaux à bas prix- et à fabrication de piètre qualité. Laguiole n’arrive toujours pas à récupérer la marque qui protégerait une fabrication française. Incroyable détournement du droit et du bon sens. L’autre attraction est le taureau de l’Aubrac. Sa statue trône sur la place du village. Le taureau y étale sa puissance et sa virilité. Là pas de copie possible. La race est déposée.

Rodez, le musée Soulages, réussite à tout points de vue. Y compris par l’ambiance des visiteurs, calmes, concernés, respectueux. Un film d’archives raconte l’aventure des vitraux de Conques, hommage à l’audace et à la ténacité. Soulages est bien de cette terre. Le soir, à une cinquantaine de kilomètres plus bas, la patron du Camping de la plage, contre le grand lac, nous fait goûter les tomates de son jardin. Pas d’engrais, pas de pesticides, du goût. Il a raison. Un couple joue à la pétanque, 90 et 86 ans . Ils jouent avec joie et précision. Il gagne de justesse, nous dit-elle quand nous nous rapprochons. Nous les complimentons sur leur bonne humeur évidente. Au jeu elle est facile ajoute-t-il, moins à la maison. 60 ans de vie commune, pas mal quand même!

Sète est notre point ultime vers la méditerranée. Le canal nous occupe plus que la mer. Nous éviterons, je ne sais plus pourquoi, les fameuses tielles, une spécialité locale, parait-il fort bonnes. C’est une sorte de tourte faite de poulpe, seiches, calamars, agrémentée d’une sauce tomate pimentée et roulée dans une pâte à pain. La vraie tielle est fabriquée par les descendants d’Adrienne Virducci qui l’a créée  en 1937. Alors pourquoi ne pas l’avoir goûtée? Pourquoi avoir commandé un loup – appelé bar en Atlantique-? Peut-être parce que les chalutiers ancrés à l’entrée du canal me faisaient déjà embarquer pour une pêche miraculeuse….Facile quand la terre ne bouge pas sous vos pieds. Les pieds sur terre. Revenons-y.

 

 

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur revenir sur terre

le temps des vacances.

Pour la plupart, il touche à sa fin. Le temps? Instable, pluvieux, déconcertant- il y a eu plus de soleil en Bretagne que dans le Midi semble-t-il! Le temps change traditionnellement au 15 août. Les premiers orages, les nuits qui rafraichissent. Le temps? celui qui s’écoule, les jours qui passent et raccourcissent. Ce temps nous affecte, dit-on : le ciel grincheux rend de mauvaise humeur. Et les médias avec ses annonces de lot quotidien de drames, mauvaises nouvelles en tout genre nous l’annoncent gris. Comment penser autrement? La France traversée cet été est verte d’humidité, les arbres fruitiers débordent de récoltes et de futurs pots de confitures de prunes, pêches et autres saveurs. Et j’imagine que notre pays des quatre saisons, d’un climat modéré et d’une terre riche et nourricière devrait en recueillir une humeur reconnaissante. Alors? Rien, cela dépend de la Bourse, de l’Allemagne, du Président français et de son Premier ministre, de ma femme, de mon patron, des autres quoi!

J’ai aimé cet été des rencontres, des regards, ceux de ce couple qui entre Béziers et Lodève tient chambres et table d’hôtes. Une maison perdue perdue dans la garrigue, entre collines austères, terre rouge, oliviers grimpants. Là il y a dix ans, avec leurs trois enfants, ils ont installé l’idée d’une vie joyeuse, d’une table ouverte. Ce soir, nous sommes une dizaine, et grâce à eux, curieux. Curieux du partage avec d’autres. Anne et Olivier sont partout pour nous faire plaisir. Ils ont du plaisir à se donner du mal. Du mal? non du naturel. Anne a écrit un petit livre sur ces années qui vont s’arrêter. Les raisons de la vente de cette maison ? le besoin de souffler, le besoin de changer. Ne pas prendre l’habitude qui risque de transformer en sourire automatique celui de l’accueil. D’autres raisons esquissées sans s’appesantir. Les difficultés financières. L’entreprise d’Olivier en dépôt de bilan, le chômage. Un nouveau travail qui ne lui laisse pas de répit, et à terme l’impossibilité d’être cet homme présent pour Anne et ses enfants. Ils resteront dans la région. Ils vivront autrement. Ils n’auront plus ce bel endroit. Ils auront d’autres rencontres, aussi belles, j’en suis sûr. Merci Anne et Olivier pour ce formidable optimisme, et cette générosité.

Un titre en Une du Monde et de Libération. Le martyre des chrétiens d’Orient. Pourchassés, persécutés. Nous découvrons à travers le drame des arabes chrétiens d‘Irak, une réalité bien plus ancienne. Liban, Iran, Égypte, Algérie, Soudan, au fur et à mesure que les pays musulmans renforcent leur religion, les minorités subissent l’oppression, l’exclusion, parfois la mort.  Pourtant ces terres furent celles des premiers chrétiens. Avant que les cavaliers de l’Islam ne les conquièrent, convertissent leurs occupants. Pas tous. Ceux qui restèrent sont obligés aujourd’hui de fuir. Laissant leurs maisons leur travail. L’Occident les a oubliés. Les États-Unis en abattant la dictature de Saddam Hussein ont libéré probablement pire que lui. En tous les cas nous assistons à la destruction d’un pays, à une guerre civile sans pitié.

Pendant cette période estivale, la presse écrite nous propose des grands récits, des grandes enquêtes. Évidemment le lecteur a du temps.  Bien joué! La série du Monde sur sa propre histoire était passionnante. L’écriture, le choix du sujet en faisait une série sans complaisance sur soi-même. Ainsi la double page sur l’aveuglement du journal sur l’entrée des Khmers rouges à Phnom Penh, traités par le Monde en libérateurs alors que le génocide avait déjà commencé. L’idéologie comme lunettes de lecture. Staline, Mao,  Castro, Khomeiny et les suivants! Un éditorial sur la situation en Libye posait la question. Ne nous sommes nous pas trompés en renversant Kadhafi ? Question posée bien tard. Le temps passe, la Terre tourne.

 

 

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur le temps des vacances.

déconnecté?

Comme l’année dernière, nous nous élançons, C. et moi, à la découverte de la France profonde. Cette fois-ci  de Saint-Nectaire, dans les Monts d’Auvergne, à Sète, sur les bords de la Grande Bleue, une semaine pour y arriver, mais je sais déjà que ce vœu est vain: vivre 8 jours déconnecté. Il y aura les conversations professionnelles avec Estelle, Nadine ou Grégory ou encore Cécile, eux qui rentrent de vacances ou ne sont pas encore partis, et qui au bureau assurent ce qui va vous permettre par exemple de commander les DVD d’Éditions Montparnasse, ou d’avoir fin août, dans plus de 1 000 points de vente, ceux de Minuscule, la vallée des fourmis perdues.

Il y aura les réflexes, acquis en quelques années, qui rendent si difficiles de ne pas ouvrir son smartphone ou son ordinateur.

Il y a encore ce carnet de bord à tenir pour mon plaisir et j’espère le vôtre : parcourir ce monde stupéfiant du Massif Central, des volcans d’Auvergne, des Monts du Cantal, des Gorges de l’Aveyron, du Tarn, des contre-forts des Cévennes, le plus lentement possible, le nez au vent. S’arrêter là ou tout à coup l’endroit nous émeut, beautés de la nature ou de l’Histoire, grandes ou modestes, habitations spirituelles ou simplement paysannes, vestiges des fractures géologiques et forces telluriques de l’hercynien primaire. C’est un livre ouvert, apprenions-nous du professeur d’histoire et géographie lorsqu’il nous encourageait à regarder ainsi notre pays.

On peut lire l’Histoire de France, et des français, ces irréductibles habitants, peignant leurs vies hasardeuses dans les grottes, construisant plus tard les lieux de leur foi, admirables églises et basiliques romanes, celle de Saint-Nectaire, perchée au dessus du vallon depuis le XI° siècle, défiant les peurs et le temps, magnifique édifice de pierres rouges et noires, sorties tout droit de cette terre volcanique. Inouïe basilique Saint-Julien de Brioude, ou l’audace abstraite d’un dominicain, le Père Kim, illumine ses vitraux de couleurs envolées, et l’inscrit dans une pierre vivante. La déambulation est de voir et rencontrer sans projet autre. Ni guide de voyage, ni attente particulière. Les cartes servent un instant jusqu’à ce que nous admettions que c’est le hasard qui apporte la surprise.

Horreur encore de la bêtise des hommes, témoignages de notre avidité, ces parcs d’éoliennes qui parcourent le plateaux entre Monts d’Auvergne et Mont du Cantal. Dans son beau récit sur le Chemin de Compostelle, Jean-Christophe Ruffin les rencontre dans les plus beaux paysages de Galicie, sur une crête d’abord de loin, il les voit poétiquement en moulins, puis il arrive sur le col : « le rêve ne se brise que lorsqu’on atteint le col. Vues de près, les immenses éoliennes retrouvent leur identité de machine. Leur pied énorme s’enfonce dans un lit de béton qui les arrime au sol. Et leurs hélices gigantesques grincent lugubrement. ( … ) Ces producteurs d’énergie douce sont des machines violentes, arrogantes, maléfiques. » Et encore Jean-Christophe Ruffin ignore que ces pieds de béton et ces mats métalliques répercutent dans le sol des vibrations mortelles pour la vie souterraine sur des centaines de mètres de rayons. Un jour ces « moulins » inutilisés, carcasses désaffectées, resteront les restes inanimés de la folie moderne.

Déconnecté ? oui Jean-Christophe Ruffin l’est tout au long de ces 700 kilomètres, ou alors réalise-t-il une autre connexion…mais c’est une autre histoire, celle qu’il nous raconte avec passion, conviction, et humour …celle de son propre Chemin.

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur déconnecté?

Connecté

On n’arrête pas le progrès! Sur ma colline perdue, les nouvelles arrivent à un train d’enfer. Enfin de celles que je veux bien laisser passer. La box installée pour les mois d’été- connexion temporaire qui donne le flux nécessaire au lien avec mails et bureau- remplace  la clef 3G qui fonctionnait par intermittence. Le monde est là, à moi. Les fichiers m’arrivent. Je relis, corrige, réponds. Je tape ce blog. L’écran m’attrape alors que la nature tout autour s’en moque. Depuis 10 ans, un voisin hollandais, traducteur professionnel, compose en allemand, anglais, italien des dossiers, des synthèses complexes,  sans bouger de ce village périgourdin. Étonnement devenu banal.

A un train d’enfer, la conquête américaine de l’Internet. Amazon annonce la disponibilité de 600 000 ouvrages numériques pour quelques euros d’abonnement mensuel. Après Netflix et son arrivée en France en septembre, après Youtube qui installe ses chaines, concurrentes des nôtres, nous ne cessons de nous inquiéter de notre propre envahissement. Par la quantité certes. Que veulent dire 600 000 ouvrages disponibles? Est-ce un choix extraordinaire mis à ma portée? A la vôtre, à celle du lecteur curieux? Enfin je pourrai lire tout ce que je veux, quand je veux, ou je veux. Plus besoin de bibliothèque envahissante, plus de valises trop lourdes de livres… un clic, le monde à moi. Voilà ce que me promettent les sorciers d’outre-atlantique.

Évidemment ce ne sont pas des philanthropes. Ils conquièrent non seulement le monde, mais nos comptes en banque. Les vident aussi, programmant l’innovation comme un moyen illimité de la consommation, trouvant obsolescence des objets comme un autre moyen de notre obligation. Qui suis-je encore, esclave de tout de ce qu’on me vend comme un progrès: 600 000 ouvrages! Pour quoi faire? Je vais relire Le règne de la quantité, du philosophe René Guénon. Écrit dans les années 20, il annonce la perte de l’Occident, victime de sa soif d’argent…et de son oubli des valeurs humaines. Passionnant. Est-il disponible sur Amazon? c’est possible, les monstres ne font pas le tri, surs d’eux.

 

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur Connecté

conversations entre amis

Sous les trois pruniers, qui ont bien donné de quoi faire une vingtaine de pots de confitures et deux ou trois tartes succulentes- je dois dire que ma préférence va aux prunes violettes,  au goût plus prononcé, que les reines-claude jaunes si sucrées- alors que les amis enfin peuvent dire ça y est, les vacances sont là, bien méritées, la conversation roule sur l’actualité laissée à Paris. L’ami algérien, kabyle pour être plus précis, il y tient, évoque la rupture du jeune de ce vendredi.  » le ramadan vient d’une époque ou la ville, le village, se mettaient en sommeil, sans problème. La guerre, le travail, s’effaçaient devant le jeune « sacré ». Tout dormait. Aujourd’hui, dans nos sociétés modernes, c’est impossible. Ne pas s’écrouler sur son ordinateur, garder les yeux ouverts en livrant des pizzas à midi, sont des défis quotidiens. » Chrétien pratiquant, admirateur des rites, observateur du carême, l’autre ami défend l’idée que c’est aux hommes de s’adapter. Mais il est vrai, dit-il que le carême, observance encore plus ancienne que le ramadan, codifie le « maigre » le « frugal », donc laisse une alimentation suffisante pour continuer une activité humaine.  »

Juifs, chrétiens, musulmans, des règles qui viennent de quarante jours dans le désert!

Nous n’y sommes pas ici, voici les produits du terroir que je vous ai préparés? nous dit notre hôtesse. Sans mentir, tout était bon, juteux, et encore simple, du vin de Bergerac accompagnant un pâté paysan périgourdin, fruité et râpeux, des fromages secs venant du Jura et d’Auvergne, Comté et Salers vieux, une bénédiction! Dans le cochon tout est bon, ajoutait-elle en déposant un saucisson maison et en éclatant de rire, vos rites sont aussi ceux de l’hygiène des pays chauds. Ou cuire ne suffisait pas. Ici on sait tuer le cochon et ne rien gâcher.

De notre poste d’observation sur la colline, nous pouvions contempler, à presque perte de vue, la France, inouïe de beautés, entendre le chant de la terre, busard planant au-dessus de sa proie, lançant son cri aigu, écho des voix du village plus bas, ou de la moissonneuse-batteuse rassurante sur l’activité humaine. Cela nous paraissait irréel. Nous avions oublié les drames d’hier, les violences qui ne cessaient, l’angoisse du monde. Nous avions un instant de répit et nous en profitions.

Lectures d’été en cours, la quadrilogie de Philippe Roth, édité chez Quarto, à peine achevée, me trottait dans la tête. L’Amérique est le journal de demain, a-t-on coutume de dire: La Pastorale américaine, J’ai épousé un communiste, la Tâche, et l’étonnante politique fiction-rétrospective sur le danger totalitaire en Amérique, écrits fin 90, sur les dernières soixante dix années américaines, n’annonçaient rien de bon. La puissance du style et l’imagination descriptive, « houllebecquienne » nous disait notre amie, cuisinière hors pair et esprit curieux, rendait mieux compte de l’évolution de nos sociétés que n’importe quelle enquête sociologique, faite de statistiques et d’entretiens serrés. C’est la force du talent de l’écrivain. Il nous montre la réalité mieux qu’un autre.

Plus tard, j’imaginais les chemins tout autour convergents vers Compostelle et me régalais avec le récit de Jean-Christophe Ruffin, Immortelle randonnée, Compostelle malgré moi, best-seller inattendu de l’année. Un voyage d’aujourd’hui à travers le temps et l’esprit.

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur conversations entre amis

Que d’eau, que d’eau !

Dérèglement climatique certes, mais bien déconcertant. Sécheresse et/ou inondations, conséquences de ce changement? Dans ce coin du Périgord ou nous passons quelques jours, comme dans la plupart du pays, le sujet est : que d’eau, quand cela va-t-il s’arrêter? Un rayon de soleil ce matin redonne du goût à tout, et à tous ; partir dans les sous-bois à la recherche du petit noir, ce cèpe parfait et caractéristique du chapeau qui lui donne son nom, ou des girolles cachées sous les feuilles sèches, couleurs se confondant. La terre est humide, chaude malgré des nuits fraiches. Les matinaux sont déjà passés, me laissant bredouille et quand même enchanté. Tout sent, odeurs du bois, de la souche de châtaigner abattu par les orages et la vieillesse. Déjà à moitié enfouie, elle nourrit les innombrables insectes qui courent dans ses veines mortes. L’arbre qui s’élançait encore il y a quelques années dans le ciel, avec ses feuilles nous faisant respirer, qui produisait ses fruits pour hommes et animaux, retourne maintenant à la terre, travail jamais fini du cycle de la nature.

Que d’eau, que d’eau… nous dit notre voisine B. avec son éclatant sourire. B. est heureuse. Elle prend le meilleur de la vie. Une vie mouvementée qui a trouvé son bon port il y a quelques années. Là, à deux kilomètres de notre maison, sur les bords de l’autoroute en construction où elle a rencontré R., conducteur de travaux. Lui, comme un marin, s’est arrêté pour refaire sa vie avec elle, fille du pays. Ils ont construit eux-mêmes avec patience et ingéniosité, tels de nouveaux Robinson, leur maison du bonheur. Une caravane plantée cent mètres au-dessus du flot du progrès, en lisière de bois. De cet endroit improbable, sans eau, sans électricité, connectés à rien, leur volonté et leur désir ont créé la vie. Une éolienne monte la pression, un groupe électrogène tourne le temps qu’il faut.  Ils font tout pousser de cette terre sableuse, et nous donnent toujours quand nous passons quelques légumes de l’amitié. Ils sont autonomes ou presque. R. sait tout faire, possède tous les instruments nécessaires pour couper, débiter, déplacer bois et terre. Seul regret de B. pour cette année: il n’a pas gelé cet hiver, la terre n’a pas éclaté sous l’effet du gel. D’habitude, le froid élimine les vermines. Pas cette année. Les insectes mangent tout.

Jamais je n’ai vu la campagne si verte. Les foins coupés font déjà place à un regain abondant. Le Périgord froid l’hiver, sec l’été, cette année a perdu la boule. Pour nous vacanciers, le soleil enfin…

 

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur Que d’eau, que d’eau !

Le bonheur de l’éditeur.

Le bonheur de l’éditeur,  c’est de rencontrer une perle rare et de contribuer à la rendre plus belle encore. En 1991, 3 ans après la création d’Editions Montparnasse alors que nous avions déjà édité avec succès, De Nuremberg à Nuremberg et « sortis » les 8 premiers Palettes , c’était  la rencontre avec un catalogue mythique, celui de la RKO et ses prestigieux films des années 30 et 40, de Citizen Kane, de King Kong, des grands réalisateurs, Orson Welles, John Ford, Jacques Tourneur aux grands acteurs, Cary Grant, John Wayne, Fred Astaire et tant d’autres. Près de 130 films que nous éditerons en vidéocassettes puis en DVD, éditions multiples, enrichies grâce à ce support, collections « collectors » ou  « pocket » auxquelles Serge Bromberg  prêtera son talent de présentation, sa connaissance des films et de leur histoire. Derrière les chefs-d’œuvre aimés et reconnus de tous, des merveilles que nous avons eu un plaisir fou à faire découvrir à un plus large public, Le garçon aux cheveux verts de  Joseph Losey, Nous avons gagné ce soir de Robert Wise, le film d’aventure par excellence Barbe Noire le pirate Raoul Walsh, ou encore les débuts de Richard Fleischer qui donnent naissance à des polars hypnotiques bien avant 20 000 Lieues sous les mers, et tant d’autres jusqu’alors ignorés.

Nous voulons donc tirer notre chapeau à tous ceux qui nous ont aidés, redire notre bonheur d’avoir trouvé, restauré, peaufiné, réalisé les versions originales et sous-titrées, mis en scène les films… tous ces films…Il faut les voir et les revoir. Absolument ! Nous voulons aussi vous remercier, vous tous qui nous avez suivis, fait confiance, manifesté votre enthousiasme devant nos éditions.

Voilà le bonheur s’accompagne parfois de nostalgie. 23 ans plus tard, la  Warner, qui entre -temps a racheté Turner, propriétaire monde de la RKO, reprend ses droits. Depuis le 31 mai, les éditions francophones  de la mini-major US changent de main et de destin…le 31 juillet, nos diffusions de ce catalogue prendront fin. Ne nous le cachons pas, nous sommes un peu tristes, après ces années de travail, de « perdre » ce catalogue. Mais d’autres éditions, tous les jours, nous rappellent les joies du bien-faire, d’autres perles évidemment, de De Nuremberg à Nuremberg, de Frédéric Rossif et Philippe Meyer à La Règle du Jeu, de Jean Renoir, pour ne citer que ces deux-là parmi plusieurs centaines de films et documents qui sont la marque Montparnasse.

Pour la fin de cette année, une trentaine de films, documents, séries, viendront enrichir le catalogue : Minuscule, la vallée des fourmis perdues, film d’auteur français, aux 1,5 million d’entrées au cinéma, ou les pièces de Shakespeare, inoubliables réalisations de la BBC, un succès en dehors des sentiers battus qui nous confirme dans nos choix et notre travail, Enfin, dernier de cette liste non exhaustive, Apostrophes, 6 dvd, 12 émissions,  un volume 2 de plus en plus passionnant avec un Bernard Pivot inégalable et puis…le métier d’éditeur est vivant. Il y a les arrivées, les départs, au gré des découvertes, des envies, des rencontres…

A suivre…

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur Le bonheur de l’éditeur.

du pain et des jeux, du beau aussi

Le beau, c’est lundi , ces deux matches, celui de 18 heures ( heure d’ici) et de celui de 22 heures. Incertain vainqueur à chaque fois, fort outsider encore, là le Nigéria contre la France, plus tard l‘Algérie contre l’Allemagne. Deux équipes africaines qui montrent une énergie et une belle élégance dans le jeu. Il faut un vainqueur, et je le regrette presque tant les équipes méritaient toutes de l’emporter. Souvent le sport me déçoit, trop chauvin, trop individuel, personnel… trop d’écrasement et de violence dans l’affrontement. Ici, non pas que ce n’était pas violent, fort, dur…il y avait quelque chose en plus.

Beauté du français Pogba, initiateur du but qui fait basculer la victoire en faveur de la France: je suis content pour mon pays, dit-il avec un sourire magnifique et simple, quelques minutes après le fin de partie. Beauté encore devant la puissance et l’énergie des algériens face au rouleau compresseur allemand qu’ils ébranlent jusqu’aux dernières minutes de la prolongation. Des beaux moments réconciliateurs. Je vous renvoie évidement à la partie des français en 1998, mais aussi à un joli documentaire édité ici: Allez le stade- Batteux, l’homme du match, qui raconte la belle histoire du stade de Reims, et de son célèbre entraîneur. Des hommes, Kopa, un grand frère de Pogba?

 

Publié dans Non classé | Commentaires fermés sur du pain et des jeux, du beau aussi