Il y a 50 ans fin d’une guerre qui n’a pas encore de nom. 400 000 soldats français étaient en Algérie, mais la France n’était pas en guerre, puisque l’Algérie n’était pas un pays ennemi. Des dizaines de milliers de morts et de blessés, soldats de métropole et civils européens, ceux-ci victimes d’un terrorisme impitoyable. Du coté de la « rébellion » et des populations musulmanes, arabes et kabyles, plusieurs centaines de milliers de morts. Le 19 mars « commémore » le cessez-le feu de cette guerre. Il y aura encore au delà de cette date le massacre des harkis, plus de 100 000 dans des conditions atroces, plus de 10 000 européens disparus, plus d’un million de français d’Algérie, les pieds-noirs, fuyants « leur » pays en quelques semaines, une valise contenant quelques souvenirs pour tout viatique.
Triste commémoration.
Deux grands récits me semblent bien décrire ces années terribles: Guerre d’Algérie, la déchirure, de Gabriel Le Bommin et Benjamin Stora, diffusé il y a quelques jours sur France 2. Remarquable tant par les images inédites que par le ton du commentaire. Et puis » La Guerre d’Algérie « , le documentaire de 3 heures d’Yves Courrière et Philippe Monnier, réalisé il y a trente ans à partir du formidable témoignage d’Yves Courrière, livre référence sur le conflit algérien. Des images en couleurs pour le premier- en fait colorisée pour beaucoup d’entre elles- images en noir et blanc saisissantes pour le second, qu’importe! l’époque fût noire, violente. Sans pitié, ou si peu.
C’est le témoignage que rapporte Bruno Frappat dans La Croix de ce week end qui montre ce « monde sans pitié ». Celui de Danielle Michel-Chich. Elle avait 5 ans, le 5 septembre 1956. Elle était avec sa grand-mère au Milk Bar, à Alger, lorsqu’une bombe posée par une des « poseuses de bombe » du FLN, explose au milieu des consommateurs. Sa grand mère est tuée. Elle perd une jambe définitivement. 50 ans après elle écrit un petit livre: « Lettre à Zorha D. » (1) ou elle s’adresse à celle qui a posé la bombe, Zorah Drief, aujourd’hui sénatrice en Algérie, célébrée en Algérie comme une héroïne de la guerre.
» Une juste lutte justifie-t-elle de tuer des innocents? » demande-t-elle dans sa lettre. Qui reste sans réponse. Danielle Michel-Chich est là sur le plateau de France dans le débat qui suit la diffusion de Guerre d’Algérie, la déchiture. Emouvante, calme, sans haine. Une jambe en moins. Zorha Drief est une des femmes interviewées à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Bruno Frappat nous dit que dans cette interview réalisée par TV5Monde, le journaliste ne lui pose pas la question. Qu’il se contente de la présenter comme une « figure historiqu du FLN » sans réference à des actes concrets.
Sur TV5Monde, Zorah Drief racontera son arrestation. Ne dira rien de ses actes. Ne répondra pas à Danièle Michel-Chich. Cette question me semble pourtant plus que jamais d’actualité. Pour ceux qui se battent, la lutte est toujours juste. Leur camp a raison. Toujours raison? En Algérie, au nom d’une cause que chacun pensait « juste », les deux camps ont pratiqué tortures, massacres, éxécutions…oui, décidément triste commémoration.
(1) Lettre à Zorah D. de Danielle Michel-Chich chez Flammarion
(2)voir aussi le blog: « La Chine est encore loin »
et les dvd, La Trahison de Philippe Faucon et Paroles de Pieds-Noirs , l’histoire déchirée des français d’Algérie de Jean-Pierre Carlon