» Il marche en se disant que ses pensées sont aussi de la chair et des os, que plus tard elles serviront à allumer un feu qui réchauffera peut-être un type de l’an trois mille. Il boite lourdement, on le verrait qu’on penserait à un berger sans troupeau. Le vent entonne une chanson grave, Chaim baisse la tête tant le ciel pèse. »
« Il avance dans la passe, pénètre la ceinture de la montagne. Il a oublié qu’il grelottait Il avance, monte sans cesse. Ses pieds saignent. Il s’étend pour boire à s’en soûler. L’eau a un goût indéfinissable, elle va trop vite, il fait trop nuit pour qu’il s’y voie . S’il était un jeune bourgeois il se dévêtirait et ferait un bain de minuit pour raconter ensuite à ses copains qu’il avait pris un cocktail de liberté, quelque part au Texas, pas loin de la frontière mexicaine. »
Richard Morgiève publie » United Colors of Crime » chez Editions Montparnasse/ Carnets nord: »Ce roman d’amour et de haine aux accents céliniens et à l’étrangeté crépusculaires, des films de David Lynch, est irrigué de questions métaphysiques sur l’identité, l’origine, l’existence, le temps » nous prévient Sean J. Rose dans sa critique sur la rentrée littéraire ( Livres hebdo 2 décembre 2011).
Nous sommes en 1951, et le héros est une petite frappe, un tueur de la maffia, un beau gosse qui a changé d’identité à Monte Cassino. Un voyou aux belles pépés, aux belles montres, en cavale les poches pleines de dollars. Objectif le Mexique. La belle vie. Et puis cela s’arrête là….
Dans ce Texas, immobile sous la chaleur, le ton change, comme Chaim. L’homme rencontre le mirage, les rêves, les tueurs à sa poursuite, et puis l’indienne, la passion, un autre monde insoupçonnable. Son identité revient, s’efface, un visage le regarde, celui d’une femme, celui d’une vie. D’une autre vie possible.
J’ai aimé lire, puis relire ce texte, à chaque fois j’y redécouvre cette musique des mots et des images qui en font une magnifique histoire.