L e visage d’Arnaud Beltrame restait inscrit sur une partie de l’écran. Les tambours roulaient, les drapeaux s’inclinaient, la pluie s’arrêtait de pleurer toutes les larmes du ciel. L’atmosphère n’était pas sombre. Le regard du gendarme y était pour quelque chose. La gravité de l’atmosphère était éclairée par ce regard, direct, allant vers quelque chose que lui seul voyait.
Ainsi pouvait-on interpréter cette cérémonie des Invalides. Celle d’une annonce que le discours d’un président renforçait. J’étais aussi frappé par la solitude et la rencontre. Solitude de l’homme traversant la cour, cette frêle silhouette avançant sur les pavés luisants, ce regard si déterminé, avançant vers ce cercueil, du symbole immense qu’était devenu l’homme sous le drapeau tricolore. Le mort revivait par son acte. Marchant vers lui, le petit homme, tête nue, manteau couvert d’humidité, semblait aspiré. Aspiré par ce qu’il voyait de sa mission, peut-être celle que lui confiait, à cet instant, l’homme à la rencontre de qui il allait.
Les rituels de la république devenaient ceux de la France, de la Nation, de la Patrie. La Patrie en danger, Aux armes citoyens, Jeanne d’Arc, De Gaulle, l’Histoire était invoquée pour affronter le danger.
C’était donc la mort d’un homme, l’autre homme seul, qui faisait lever l’espérance. L’espoir changeait de camp. La fuite, se cacher devant le danger, n’était plus la solution. Affronter le danger, affronter la mort créaient la vie. Arnaud Beltrame léguait cet héritage à tous les français.
Je venais de lire Le Cœur bon, de Michel Bernard, émouvant portrait de Jeanne d’Arc. Je pensais à ce qui avait porté cette femme, à ce que à son tour Arnaud Beltrame portait pour nous. Je pensais qu’il y avait bien un avant et un après le 23 mars 218.