« Il n’y a pas de frontière entre la raison et la folie, » j’aime beaucoup cette phrase d’Edgar Morin à propos de Mario Ruspoli. Mais à propos connaissez-vous Mario Ruspoli? Peut-être en avez-vous entendu parler. C’est avec Jean Rouch, Chris Marker et quelques autres, un des apôtres du cinéma-vérité. Nous sommes dans les années cinquante et des cinéastes veulent rencontrer le monde du réel, en direct. Grâce à ce coffret de ses films, vous allez découvrir à la fois un cinéaste plein d’attentions et d’audace, et un personnage qui aimait « la frontière entre la raison et la folie« . C’est sa frontière aussi qu’il allait chercher comme cinéaste.
Place à Mario Ruspoli, prince des baleines et autres raretés, et authentique prince italien visionnaire : Pendant des siècles, les hommes et les baleines ont appartenu à deux camps ennemis qui s’affrontaient sur un terrain neutre, la nature. Aujourd’hui la nature n’est plus neutre, la frontière s’est déplacée. L’affrontement se fait entre ceux qui se défendent en défendant la nature, et ceux qui la détruisant, se détruisent. Ce commentaire sur des images d’hommes, les pêcheurs des cachalots aux Açores, qui eux, risquent encore leur vie. Images des visages, images du courage, de la mort, du dépeçage de l’immense corps abattu, voilà Les hommes de la baleine, tourné en 1956 autour de l’ile de Pico, aux Açores.
Le coffret contient ce film, et d’autres. Les Inconnus de la terre, tourné en Lozère en 1961. C’est étrange comme cela me semble près et loin. Loin parce que ces hommes ont disparu, emportés par la consommation et l’industrialisation, ici la terre est trop dure, il n’ y a rien à en faire. Près parce que ce qu’ils disent nous parlent bien plus aujourd’hui qu’alors. La violence de la nature, mais aussi le souci de l’homme de l’amadouer, de la comprendre. Cratère, causse, caverne, la Lozère, le plus réussi des pays désolés, admirable en carte postale comme tous les enfers refroidis. Une terre sèche…ici il faut lire entre les routes, il faut surtout écouter le fouet invisible, le fouet fantôme, qui use la Lozère à 140 kms/heure, le vent. Le vent, il courbe la croix, il n’a pas encore pu souffler les hommes...Les hommes de la terre travaillent dans ce qui nous apparait un dénuement total. Ces hommes parlent de leur liberté, de leur choix du travail, de pouvoir s’arrêter s’ils le veulent. Liberté des hommes qui travaillent dur sans autre maitre que la terre.
D’autres : Regard sur la folie, la Fête prisonnière, le Dernier verre, et un remarquable et émouvant portrait de ce cinéaste hors du commun disparu il y a peu d’années, portrait produit et réalisé par Florence Dauman. Un portrait indispensable, contenu dans le DVD 1 et à voir avant de visionner le DVD2. La prochaine fois, je vous parle de l’autre coffret que nous sortons d’un autre cinéaste-vérité, les films de Jean Gaumy.