Les expressions populaires rabâchées jusqu’à plus soif nous montent parfois spontanément aux lèvres, et on les regrette aussitôt. C’est mon cas, et pourtant je la partage avec vous. Air vif, soleil qui réchauffe, terrasses de café joyeuses ou les laines (les fils) s’enlèvent. Voilà un jour qui nous donne le sourire. Pourtant le fil retiré est un risque, des courants froids meurtriers surgissent dans l’ombre des rues. Tant pis, j’y vais. Je fête ce printemps arrivé avec 15 jours de retard. Nos humeurs ne veulent pas se laisser assombrir par les actualités, ou pourquoi donc, seul le noir fait les titres.
Les médias hésitent. Sur le même sujet, deux avis divergeants nous sont proposés afin, peut-être, de faire bonne mesure. Dans le Figaro, sur le Traité en négociation entre les États-Unis et l’Europe, voilà l’expert, champion de la libéralisation, moins d’obstacles aux échanges économiques développeront le commerce, la croissance et donc la démocratie et la paix. Une demi-page pour ses arguments. Une autre pour Périco Légasse, journaliste, défenseur du bon, du beau et du bio. Et par exemple du lait cru dans les fromages. Une position détestée de l’agro-industrie et des hypermarchés. Périco Légasse dénonce dans ce projet la victoire des américains pour abaisser les normes environnementales et écraser l’agriculture française et européenne. Ma religion est suffisamment faite depuis longtemps. L’argent n’a pas d’odeur, le bon, le beau, le bio, oui!
Cela veut-il dire que mon opinion n’a pas besoin des deux arguments. Elle est toute faite, disais-je, le journal préserve-t-il simplement son fonds de commerce, ne pas se fâcher avec ses lecteurs en leur offrant les deux bords! Je ne retrouve pas cette subtilité avec le billet de Renaud Girard, le même jour. Auteur chez Carnets Nord, il martèle son point de vue avec force, va même samedi matin au micro d’Anne Sinclair par préconiser l’enseignement du roman national dans les écoles, l’Histoire de France, le gaulois qui doit frémir en nous quand la Marseillaise retentit.
Et c’est Libération qui retire un fil, celui du voile porté en France dans l’espace public par les musulmanes, de plus en plus porté, pouvons-nous le constater jour après jour. Attention au communautarisme, s’inquiète le journal. Une grande première pour ce quotidien. Mais dans le même temps, il nous propose sur deux pages, des portraits des jeunes leaders de cette communautarisation, en faisant de ceux-là par cette médiatisation des nouveaux héros. Étrange situation des médias, incapables de gérer la part des choses. A trop vouloir ménager la chèvre et le chou… voilà que je reviens à l’expression populaire pour éclaircir l’ombre. Et bien oui, je crois comme Elisabeth Badinter ou Kamel Daoud, qu’il faut choisir son camp. Celui de la liberté malgré tout. Le roi est nu, sans un fil sur lui, il ne le sait pas ! Voilons-nous la face pour ne pas le voir.