déconnecté?

Comme l’année dernière, nous nous élançons, C. et moi, à la découverte de la France profonde. Cette fois-ci  de Saint-Nectaire, dans les Monts d’Auvergne, à Sète, sur les bords de la Grande Bleue, une semaine pour y arriver, mais je sais déjà que ce vœu est vain: vivre 8 jours déconnecté. Il y aura les conversations professionnelles avec Estelle, Nadine ou Grégory ou encore Cécile, eux qui rentrent de vacances ou ne sont pas encore partis, et qui au bureau assurent ce qui va vous permettre par exemple de commander les DVD d’Éditions Montparnasse, ou d’avoir fin août, dans plus de 1 000 points de vente, ceux de Minuscule, la vallée des fourmis perdues.

Il y aura les réflexes, acquis en quelques années, qui rendent si difficiles de ne pas ouvrir son smartphone ou son ordinateur.

Il y a encore ce carnet de bord à tenir pour mon plaisir et j’espère le vôtre : parcourir ce monde stupéfiant du Massif Central, des volcans d’Auvergne, des Monts du Cantal, des Gorges de l’Aveyron, du Tarn, des contre-forts des Cévennes, le plus lentement possible, le nez au vent. S’arrêter là ou tout à coup l’endroit nous émeut, beautés de la nature ou de l’Histoire, grandes ou modestes, habitations spirituelles ou simplement paysannes, vestiges des fractures géologiques et forces telluriques de l’hercynien primaire. C’est un livre ouvert, apprenions-nous du professeur d’histoire et géographie lorsqu’il nous encourageait à regarder ainsi notre pays.

On peut lire l’Histoire de France, et des français, ces irréductibles habitants, peignant leurs vies hasardeuses dans les grottes, construisant plus tard les lieux de leur foi, admirables églises et basiliques romanes, celle de Saint-Nectaire, perchée au dessus du vallon depuis le XI° siècle, défiant les peurs et le temps, magnifique édifice de pierres rouges et noires, sorties tout droit de cette terre volcanique. Inouïe basilique Saint-Julien de Brioude, ou l’audace abstraite d’un dominicain, le Père Kim, illumine ses vitraux de couleurs envolées, et l’inscrit dans une pierre vivante. La déambulation est de voir et rencontrer sans projet autre. Ni guide de voyage, ni attente particulière. Les cartes servent un instant jusqu’à ce que nous admettions que c’est le hasard qui apporte la surprise.

Horreur encore de la bêtise des hommes, témoignages de notre avidité, ces parcs d’éoliennes qui parcourent le plateaux entre Monts d’Auvergne et Mont du Cantal. Dans son beau récit sur le Chemin de Compostelle, Jean-Christophe Ruffin les rencontre dans les plus beaux paysages de Galicie, sur une crête d’abord de loin, il les voit poétiquement en moulins, puis il arrive sur le col : « le rêve ne se brise que lorsqu’on atteint le col. Vues de près, les immenses éoliennes retrouvent leur identité de machine. Leur pied énorme s’enfonce dans un lit de béton qui les arrime au sol. Et leurs hélices gigantesques grincent lugubrement. ( … ) Ces producteurs d’énergie douce sont des machines violentes, arrogantes, maléfiques. » Et encore Jean-Christophe Ruffin ignore que ces pieds de béton et ces mats métalliques répercutent dans le sol des vibrations mortelles pour la vie souterraine sur des centaines de mètres de rayons. Un jour ces « moulins » inutilisés, carcasses désaffectées, resteront les restes inanimés de la folie moderne.

Déconnecté ? oui Jean-Christophe Ruffin l’est tout au long de ces 700 kilomètres, ou alors réalise-t-il une autre connexion…mais c’est une autre histoire, celle qu’il nous raconte avec passion, conviction, et humour …celle de son propre Chemin.

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