Cela pourrait être le début d’une histoire que l’on raconte aux enfants le soir avant qu’ils ne s’endorment – mais raconte-on encore des « belles » histoires le soir aux enfants? Je l’espère- enfin il y a le titre, les protagonistes: le loup est là, bien là, 250 au moins dans les Alpes françaises, circonscrits en principe dans le Parc du Mercantour, mais déjà on le signale de l’autre coté du Rhone, près de la Loire peut être, au sud du fleuve seulement. Ouf, les parisiens n’ont encore rien à craindre! Les loups réintroduits il y a une vingtaine d’années par les défenseurs de la nature, les tenants de la protection des espèces disparues au nom de l’équilibre, ont proliféré. Ce sont devenus de redoutables prédateurs, attaquant les troupeaux de moutons à l’estive, tuant des dizaines de ces bêtes sans défense en une seule nuit. Les loups sèment la terreur, et le désespoir chez les bergers traditionnels. Sans que ceux-ci puissent se défendre, l’espèce étant « protégée!
Les loups protégés, pas les moutons, pas l’homme, pas les chiens, au point que le métier- admirable- de l’estive, le paturage de haute-montagne, est maintenant menacé. Dans Le Monde de ce dimanche-lundi 2 et 3 septembre, qui y consacre une page, Bernard Bruno qui mène chaque année, là haut, 2 000 moutons et brebis raconte les méfaits du loup, » 31 bêtes égorgées depuis le début de l’année…dès le premier soir, ils m’en ont tuée une » il explique: « mon père, mon grand père étaient éleveurs, j’ai commencé à 14 ans, j’avais un mouton. Je doute que mes enfants reprennent. Avant le loup c’étaient les vacances« . Bernard Bruno se lève plusieurs fois par nuit, aux premiers aboiements des chiens, des grands « montagne des Pyrennées« .
Alors « la comédienne » dans tout cela? C’est celle du sentimentalisme mal placé, ou du non-sens qui s’empare des foules urbaines. Une voix dans le sondage express d’un quotidien du matin, Le Parisien, ou une jeune comédienne affirme: « le loup a le droit de vivre. » Pour elle les hommes n’ont qu’à se débrouiller pour protéger leurs troupeaux sans attenter à la liberté et à la vie des loups. D’autres « bonnes » âmes la suivent, renchérissent. On pourrait leur répondre que l’équilibre de la nature ne doit pas signifier la disparition des pratiques traditionnelles, que le loup est un animal dangereux, que les moutons à l’estive sont ses victimes, que les bergers eux-mêmes sont en danger, que…on sent bien que l’on rencontre ici une méconnaissance profonde de la nature. Il faudrait que la jeune comédienne « monte » passer un mois ou deux à l’estive, qu’elle guette la nuit le loup. Qu’elle l’appelle, « gentil loup, laisse mes moutons tranquilles, va plus loin te nourrir de baies sauvages…. » on peut imaginer qu’après une nuit blanche, elle redescendrait vite, discours changé! Ou encore qu’elle ne redescende pas, ayant été mangée par le loup comme les douces brebis du troupeau, ou mieux qu’elle ait succombé aux charmes du loup, que transformée en louve, à son tour elle se jette sur les blancs moutons… voilà à chacun d’imaginer la fin de l’histoire!
Des hommes, là-haut, font un métier difficile, rare, estimable. C’est eux qu’il faut protéger. Il faut dire à la jeune comédienne que l’homme, pour qu’elle existe aujourd’hui, a aussi combattu fauves et prédateurs, dont le loup. Que le berger est utile. Que l’urbanisation, les pesticides des fruits et légumes qu’elle consomme quotidiennement, menacent eux la planète, tuent les abeilles, les libellules, nécessaires à la survie des espèces. Erreur de combat que José Bové a, avec bon sens, souligné. Pour finir, je vous renverrai aux films superbes, réalisés en 1978 par Jean-Claude Bringiuer : Des Paysans, dans lequels une séquence d’une grande beauté suit un jeune berger en haute altitude. Regardez Patrick partir dans la montagne, bon pasteur, nourissant ses moutons et ses chèvres du sel indispensable à la vie. Une tradition vieille de 15 000 ans.