lettre au grand calife ( 4)

Grand calife, il parait qu’en votre Palais règne une certaine fébrilité. Les gazetiers rapportent des incompréhensions entre votre Vizir, vos conseillers et vous-même. Vous ne sauriez plus ou donner de la tête. Vous auriez perdu votre vision jupitérienne, votre confiance en vous, votre assurance pour prendre des décisions. Au fond, le pays ne serait plus gouverné. Comment en arrive-t-on là? Cette question doit occuper tous vos instants. Vous pensiez bien faire, demander au peuple un effort pour que l’avenir soit plus rose, ou moins noir, quoi de plus normal, quoi de plus habituel?

Grand calife, écoutez ce peuple à qui vous demandez des efforts, sortez encore une fois de votre palais. Glissez-vous au milieu de ce peuple sans que nul ne vous reconnaisse, n’ayez pas peur, bien déguisé, on ne vous remarquera pas! De quoi parlent-ils dans la rue, à Prémery, dans les milliers de Prémery du Pays? Vous vous êtes attablé au comptoir, vous y prenez goût, même au petit Pastis, à peine teinté d’eau, qui vous enivre un peu. Aujourd’hui, le café gronde des retours des ronds-points, des hommes et des femmes énervés, certains d’une belle expérience de rencontres, d’autres d’un sentiment de s’être fait rouler: « A Paris, regarde-les avec leurs chauffeurs, leurs salaires mirobolants, tous ces types censés nous représenter! Ils se sont encore augmentés. A la télévision, ils disaient qu’au Sénat ou l’Assemblée le moindre des huissiers gagnent plus de 4 000 euros par mois, ont deux mois de vacances, des retraites du même tonneau. »

Là, le discours s’enflamma, tous se mirent à parler en même temps, des privilèges, de vous, de la classe des politiques et de ceux autour de vous qui s’en mettent pleins les poches, assurés de tout, de l’emploi, de l’argent, de la retraite  » il n’a rien dit, le calife, sur çà. Il n’a pas parlé de sacrifices de tous ceux-là, rien au contraire, des augmentations, des représentants du peuple? des sangsues ». Oui vous entendiez le grondement. Oui vous n’aviez pas fait un geste pour eux, un geste qui coûte à la classe des nouveaux aristocrates, ceux qui sont à l’arrière des voitures pour qui la route est ouverte par motards et sirènes, ceux des gens qui décident de tout et ne se privent de rien, qui dépensent au restaurant tous les jours presque un mois de salaire du moindre des abandonnés.

« Une révolution de Palais, pour éviter une révolution! montrer l’exemple, perdre un peu pour ne pas tout perdre » vous ruminiez votre échec, celui de ne pas avoir été à la tête de votre peuple, de ne pas vous être comporté en chef de ce peuple. « Il faut faire une nuit de l’abolition des privilèges. Ce n’est pas trop tard », expliquiez-vous à votre Vizir incrédule.

 

 

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