Allons, après Mario Ruspoli, prince des baleines, Jean Gaumy pouvait postuler à ce couronnement. Il pourrait être « amiral des sous-marins », allusion à ce passionnant document des jours passés dans un sous-marin nucléaire, mais celui-ci n’est pas encore édité. Attendons. Attendre, c’est la valeur de ce vin qui gagne en vieillissant, et c’est ce qui se passe pour les films de Jean Gaumy. La Boucane, ce regard posé sur les sardinières, les « boucanières » d’une conserverie. Moments des années 80. Moments qui vont disparaître. Jacques Mandelbaum, dans le Monde, souligne ses qualités du temps qui enrichit au contraire de tant et tant de films, écrits, paroles, que le temps rend obsolète: Aujourd’hui que la boucane a fermé ses portes, qu’Octeville a fusionné avec Cherbourg en 2000 et que le Père Marcel est mort, les films de Jean Gaumy se révèlent comme un précieux morceau d’anthologie.
Et moi je suis frappé par la parole des femmes de la conserverie. Il fait froid, le travail d’effilage des poissons est dur, les mains plongées dans l’humidité, les poissons défilent, et il faut y aller. Les langues se jettent des phrases, en riant, en jouant, en se moquant. La vie est là, vraie, prise comme elle est. Frappé encore par des règles d’hygiène, de sécurité qui a contrario de celles d’aujourd’hui ne brident pas les gestes ni la parole. Il y aune sorte de crudité, peut-être proche de la cruauté, qui rapproche les femmes. Elles connaissent la dureté du travail, mais l’humanise par leurs gestes, leurs regards. Elles se moquent de l’homme qui les dirigent, mais l’intègrent à leurs jeux. Elles sont là, il est là. Dans le même bateau.
30 ans nous séparent de ce film. Un siècle. Après Mario Ruspoli, voici un autre regard qui réchauffe.