Vendredi soir, dans ce quartier populaire, face à la station métro de la Chapelle, un spectacle admirable était proposé à quelques trois cents personnes éblouies et enthousiastes. Le Théâtre des Bouffes du Nord proposait Le Bourgeois gentilhomme dans une mise en scène de Denis Podalydès sur une scénographie d’Eric Ruf, costumes – merveilleux- de Christian Lacroix-. Le plus beau des luxes, une trentaine de comédiens déployaient des talents multiples, musiciens, danseurs, clowns, acrobates, jouant cette comédie-ballet de Molière avec un art souverain.
Devant des enfants émerveillés assis au premier rang, Pascal Rénéric, stupéfiant monsieur Jourdain, venait s’adresser à eux, les entrainant dans la comédie devenue un jeu coloré et familier. Le Théatre des Bouffes du Nord se prête à cette proximité quasi-charnelle entre comédiens et spectateurs par ce demi-cercle de gradins dans la scène. Mais ce soir là, la folie et la beauté des comédiens nous emmenaient avec eux à entendre et voir l’art. L’art de la musique de Lully, l’art de la danse, l’art de la voix – splendide soprano Cécile Granger qui ouvre le spectacle- l’art du texte, vivant aussi grâce à la pantomime inouïe se déroulant devant nous-
Il y avait cette beauté de comédiens s’amusant à jouer, heureux de jouer, nous communicant leur bonheur, nous donnant leu jeu, leur vie, leur art. C’était l’accomplissement de ce qu’on appelle le spectacle « vivant », à ce moment surpassant toute reproduction. Je pensais au Molière de Mnouchkine, à ce qu’elle nous montrait de la vie des comédiens de l’époque, à cet élan qui les portait. Je le retrouvais en chair et en os ce soir là. Les conditions matérielles ont changé. Les comédiens d’aujourd’hui conservent pourtant la précarité due à l’art. Leur art, leur choix de n’être jamais sûr que le spectacle l’emporte.
Vendredi soir, dans ce théatre subventionné, je trouvais bien que cela le fût. Il fallait ces aides pour que ce spectacle existe. Courez-y, il y a de la place!