Mon voisin se réjouit et s’attriste. C’est beau, mais il fait trop froid, les graines semées ne sortent pas de terre. Pourtant la campagne est magnifique, vivante, tous les verts sont dans les bois et les prés, nous disant chaque espèce. Les fleurs d’acacias tombent en volutes embaumant l’air, – j’ai l’impression d’être dans un pot de miel- en nous offrant des lisières blanches aux bois de chênes et de châtaigniers. Les noyers, aux feuilles marrons translucides, s’alignent dans les vergers à droite et à gauche des routes. Elles-mêmes sinueuses pour épouser les montées et descentes naturelles du causse. Oui, mai est toujours aussi beau en Périgord.
Nous oublions pour quelques jours l’agitation parisienne, et cela fait du bien. Pas de télévision, pas de radio, un journal parcouru rapidement, mais les conversations autour du café au bar PMU tabac me donnent à penser que les déclarations d’en-haut sont très proches de celles d’en-bas : le même bon sens sans solutions face à la misère du monde, aux guerres inhumaines, aux violences quotidiennes. La sagesse, pour une fois, est de ne pas s’en mêler, de fermer ses oreilles, de ne pas ouvrir sa bouche et de retourner aux travaux des champs.
En l’occurrence, ici, de répéter les gestes de nettoyage du printemps : mauvaises herbes envahissantes à arracher, bout de pré sous les fruitiers à dégager, arbre tombé à découper. L’effort physique est bon, les gestes un peu maladroits – il faut les retrouver- le matériel reste un souci, la tronçonneuse a du mal à démarrer, les mélanges d’essences ne sont pas les mêmes…le réconfort est immense: les oiseaux s’appellent comme jamais, les prés sont impressionnistes, – à se demander comment les peintres ont dû attendre la fin du XIX° siècle pour voir ainsi les couleurs tacher leur regard- les graminées ajoutent des violets et des rouges, au blanc des marguerites et au jaune des boutons d’or. Et c’est bien ce mélange, agité aujourd’hui par le vent frais de nord-ouest, qui inspira les génies de la palette comme les simples amoureux de la nature…
La terre fait toujours du bien. Je pense à Guillaume Bodin, ce jeune ouvrier vigneron, cinéaste autodidacte, dont nous éditons les films-appels, la Clef des terroirs et aujourd’hui Insecticide mon amour. Guillaume mélange courage, intelligence, obstination. Il est l’homme de demain, celui qui dit ou il faut aller. Protéger la terre pour que l’humanité puisse y vivre. Pas de grands discours, des rencontres au gré de ses cheminements sur les routes de Bourgogne. Cela pourrait être dans tous les pays du monde. Écoutez-le!