Qui a vu l’entretien de Lilian Lepère sur le plateau du journal de France 2 lundi dernier 12 janvier, a rencontré la vraie force, non pas celle des meurtriers armés de Kalachnikovs, tirant sur des hommes et des femmes désarmés. Non, celle du courage, de la modestie, de ce que David Pujadas, le recevant ce soir là, appellera : un homme habité par un supplément d’âme. Lilian Lepère, l’employé de l’imprimerie, caché pendant huit heures, dans un placard sous l’évier de cuisine, racontera ce qu’il a vécu, mais surtout remerciera son patron. Celui qui s’avancera vers les islamistes armés pour lui donner le temps de se cacher, s’exposant, au delà probablement de tout rationalisme, à être le courage incarné, celui qui bannit toutes formes de soumission. Lilian remerciera encore les membres du GIGN et du Raid, les policiers qui exposent leurs vies pour nous protéger. Moi, j’agissais pour moi, eux pour moi!
Ce courage fût encore celui des deux jeunes juifs de l’hypercasher, tués alors qu’ils se jetaient sur l’arme posée sur la table, devant eux, par Coulibaly. J’espère qu’il n’est pas mort pour rien, demande l’épouse du garde du corps de Charb, devant sa tombe? Pas morts pour rien! Eux aussi ne voulaient pas êtres des victimes sans se défendre, sans défendre ceux qui les entouraient. Geste oublié dans notre société si faible qu’elle ne réagit pas dans le métro devant l’agression d’un autre. Geste transformant notre regard sur nous-mêmes. Oui, la peur nous tuera plus sûrement que l’affirmation devant le danger. Et la Marche de ce dimanche 11 janvier fût celle d’un Peuple qui redécouvrait le courage, la nécessité du courage. Qui savait qu’il marchait pour ces valeurs. Refus de la peur, dans ces moments ou beaucoup savait qu’il y avait un risque dans les rangs même de cette marche. Ce fût un moment inoubliable. Ce silence rompu simplement par des salves d’applaudissements, roulant par vagues au-dessus de nous, lancées par quelque mouvement spontané, là aussi au-dessus de tout raisonnement.
Le courage, ce mélange d’instinct et de réflexion, qui fait agir.
« Ce n’est pas l’Islam. Ce ne sont pas des musulmans. L’islam est une religion d’amour. » Cette réaction d’imams, ou de musulmans de la rue, m’a interloqué. Toutes les religions ne sont-elles pas d’amour?Et pourtant ne sont-elles pas TOUTES aussi marquées par la violence? Dès son origine, au nom de l‘Islam , les cavaliers arabes, armés de cimeterres, ne se sont-ils pas lancés à la conquête de peuples et de territoires autres. Avec succès, puisqu’ils ne furent arrêtés à Poitiers qu’à peine moins un siècle après le début de leur guerre sainte ( djihad). Soumettant sur leur passage et convertissant à l’Islam, animistes et chrétiens d’Afrique du nord. Les mêmes, toujours au nom de l’Islam, ne développèrent-ils pas, dès le VIII siècle, l’esclavage des noirs, y réduisant à celui-ci plus de vingt millions d’africains tout au long de ces siècles. Deux fois plus que l’esclavage occidental! Aujourd’hui Olivier Rolin, dans le Monde des Livres, pose justement la question de l’ensemble du monde musulman en guerre contre les autres, et entre lui. Partout, des millions de musulmans se battent, au Nigeria, en Libye, en Algérie, en Syrie, en Irak, au Yémen, au Pakistan…Et maintenant en Europe.
Les hommes font les religions à leur image. Qu’importe ce que contient la Bible, les Évangiles, le Coran, si nous n’appliquons pas ces textes dans notre vie quotidienne…Et les violences des uns sont bien les nôtres.Le pape Benoit XV, apprenant la déclaration de guerre le 1 août 1914, pleurera devant la guerre européenne. Une guerre monstrueuse, dévastatrice. Ce n’était pas une guerre de religion, comme l’est celle d’aujourd’hui. Mais elle était faite aussi en invoquant Dieu.
Mais que faisait donc l’amour? Mais que fait donc l’amour aujourd’hui? L’amour ne se décrète pas, il se vit.