revenir sur terre

Quelques jours suffisent parfois à nous dépayser. Et revenir sur terre, expression qui veut bien dire ce qu’elle veut dire. Hier encore j’étais sur la lune! Cet étrange pays entre Aubrac et Laguiole, des plateaux, creusés de gorges ou s’écoulent les rivières descendant des monts qui nous entourent. Un chemin à droite sur le plateau. Avez-vous déjà goutté des framboises sauvages? Dans la haie, elles apparaissent, d’un rouge sanglant, en tout petit nombre, si petites aussi qu’on les prends avec la délicatesse qui convient. Leur saveur éclate dans la bouche. Tellement plus douce et forte que celles des barquettes, ou grosses et artificielles, elle ne donnent que l’imaginaire du bon, un instant. Le chemin continue, un hameau d’anciennes fermes retapées, mal, avec leurs haies de thuyas trop sombres. Je maudis, à ce moment là, les pépiniéristes qui aident les français à défigurer nos régions. Pépiniéristes svp,  encouragez la plantation de haies de feuillus locaux. En bas du hameau, surplombant la vallée, une ferme, dans son jus, nous dirait l’agent immobilier de service, sauf que celle-ci n’est pas à vendre.

Un beau linteau de pierre encadre la porte du logis. Un chien aboie. La porte s’ouvre. Trois femmes sortent à notre rencontre. Je veux m’excuser de cette curiosité inopportune que déjà la plus jeune s’empare de la main de C. à coté de moi, l’embrasse sur les deux joues. J’ai déjà parlé des rencontres, des instants de grâce. Béa, jeune handicapée de 16 ans, ne quitte plus la main de C., alors que sa mère nous raconte l’histoire de la ferme familiale, quittée 40 ans plus tôt pour monter à Paris, ouvrir une brasserie dans le 16°arrondissement. La famille de trois enfants, la petite fille handicapée, élevée, portée par toute la famille, heureuse de revenir chaque année pour un mois chez l’oncle. Plus bas, sur son tracteur, l’oncle fane le foin, enfin coupé et sec dans ce mois humide. La simplicité de l’accueil est bien d’ici. Nous la retrouverons partout. Se quitter est facile. Comme se retrouver, pour eux le retour annuel sur l’Aubrac. Les choses familières se rencontrent simplement, en douceur.

De Laguiole, le guide du Routard annonce le coté Lubéron, exception dans cet Aveyron si naturel. Le fameux restaurant Bras, qui domine le village, n’y est pas pour rien. A Paris nous avions vu le film Entre les Bras, portrait sur le père et le fils, ou se dessinaient la puissance du fondateur, la volonté du successeur, les difficultés de la passation de pouvoir entre l’un et l’autre. Nous n’irons pas vérifié leurs talents culinaires. Le village n’est lubéronnesque que par le contraste avec les avoisinants. Un coté déambulation touristique sur 500 mètres, un peu trop de magasins de couteaux, la fameuse spécialité du pays. Chacun annonce bien visible, la fabrication artisanale et locale. Un conflit violent et ubuesque oppose la ville, ses couteliers à un malin. Celui-ci a déposé il y a quelques années la marque Laguiole, fait fabriquer ses couteaux en Chine. Et inonde le marché français de couteaux à bas prix- et à fabrication de piètre qualité. Laguiole n’arrive toujours pas à récupérer la marque qui protégerait une fabrication française. Incroyable détournement du droit et du bon sens. L’autre attraction est le taureau de l’Aubrac. Sa statue trône sur la place du village. Le taureau y étale sa puissance et sa virilité. Là pas de copie possible. La race est déposée.

Rodez, le musée Soulages, réussite à tout points de vue. Y compris par l’ambiance des visiteurs, calmes, concernés, respectueux. Un film d’archives raconte l’aventure des vitraux de Conques, hommage à l’audace et à la ténacité. Soulages est bien de cette terre. Le soir, à une cinquantaine de kilomètres plus bas, la patron du Camping de la plage, contre le grand lac, nous fait goûter les tomates de son jardin. Pas d’engrais, pas de pesticides, du goût. Il a raison. Un couple joue à la pétanque, 90 et 86 ans . Ils jouent avec joie et précision. Il gagne de justesse, nous dit-elle quand nous nous rapprochons. Nous les complimentons sur leur bonne humeur évidente. Au jeu elle est facile ajoute-t-il, moins à la maison. 60 ans de vie commune, pas mal quand même!

Sète est notre point ultime vers la méditerranée. Le canal nous occupe plus que la mer. Nous éviterons, je ne sais plus pourquoi, les fameuses tielles, une spécialité locale, parait-il fort bonnes. C’est une sorte de tourte faite de poulpe, seiches, calamars, agrémentée d’une sauce tomate pimentée et roulée dans une pâte à pain. La vraie tielle est fabriquée par les descendants d’Adrienne Virducci qui l’a créée  en 1937. Alors pourquoi ne pas l’avoir goûtée? Pourquoi avoir commandé un loup – appelé bar en Atlantique-? Peut-être parce que les chalutiers ancrés à l’entrée du canal me faisaient déjà embarquer pour une pêche miraculeuse….Facile quand la terre ne bouge pas sous vos pieds. Les pieds sur terre. Revenons-y.

 

 

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