Le Coupable idéal, c’est le titre du documentaire réalisé par Jean-Xavier de Lestrade sur une erreur judiciaire aux Etats-Unis, qui sera récompensé par l’Oscar du meilleur film documentaire. Il avait fallu l’acharnement de deux avocats pour que l’innocence de l’accusé soit reconnue. Le « coupable idéal » était un jeune noir, pauvre, sans moyens de se défendre. Jean-Xavier de Lestrade faisait une analyse décapante du système judiciaire américain, ou le Procureur ne cherche pas la vérité, mais à avoir raison. Ou l’avocat est aussi un enquêteur. Ou au final, l’accord entre les parties n’est pas la reconnaissance de la vérité, mais celui qui met un point final à une affaire. Dans cet art du compromis, l’argent est au cœur du dispositif. La justice américaine est hors de prix, en frais d’avocats certes, mais aussi pour le contribuable dans le cadre d’une justice élue par celui-ci. Le compromis met fin à des procédures exorbitantes pour toutes les parties. Jean-Xavier de Lestrade continuera son analyse de la justice américaine avec l’incroyable « The Stair case« , en français Soupçons, que vous pouvez revoir ici en DVD ou en vidéo à la demande.
Cette analyse du système judiciaire américain revient avec l’actualité cinématographique autour de l’affaire DSK . Les conditions de la sortie du film Welcome to New York, le battage dans toutes ses dimensions, les critiques encore, ont tout dit ou presque. Mauvais film, disent ceux-ci déçus d’un tel échec cinématographique, dégoût disent ceux-là qui se voient diffamés par l’option du réalisateur… en fait, pour moi, cette invraisemblable fait divers remet en avant un roman étonnant, et un récit tout aussi violent: le Bûcher des Vanités de Tom Wolfe, d’une part, le Mystère von Bulow, d’autre part.
Le film de Barbet Schroeder, avec Jéremy Iron et Glen Close, a été réalisé en 1990 à partir d’une histoire réelle racontée par l’avocat de Clauss von Bulow. C’est celui-ci, Alan M. Deshowitz, un juriste de haut niveau, qui par son acharnement à rechercher les éléments troublants, retournera un procès perdu en procès gagné. Clauss von Bulow sera innocenté sans que l’on ne sache rien de la vérité. Le mystère reste entier, faute de preuves. Le Bûcher des Vanités, écrit en 1988, plus de 20 ans avant l’affaire DSK, lui, est une pure fiction. Il nous montre la descente aux enfers d’un jeune trader par les volontés politiques associées d’un Procureur à la recherche de sa réélection et d’un leader mafieux de la communauté noire du Bronx qui assied ainsi un peu plus son pouvoir sur l’argent des blancs. Le jeune financier, arrêté puis menotté, est présenté, définitivement humilié, à une meute hurlante de photographes…
…on ne peut s’empêcher tout au long de ce roman de voir aussi DSK dans une telle situation. Sous les flashes des photographes, effrayé, piégé, comme la bête blessée qui attend le coup de grâce des chasseurs. Il faut lire et relire le roman de Tom Wolfe. Il ne fait pas de DSK un innocent, ni un coupable- seuls les deux protagonistes de cette affaire connaissent la réalité de ce qui s’est passé ce jour-là dans la chambre de l’hôtel Sofitel- il nous permet certaines possibles ressemblances. De son côté, le Mystère von Bulow n’a pas d’analogie directe avec l’affaire DSK, c’est simplement la démonstration du rôle de l’argent et de l’acharnement de la presse dans une affaire ou la vérité n’éclate pas. Pis, celle-ci, passant de l’autre côté du miroir, se cache-t-elle un peu plus derrière les apparences renvoyées par celui-ci.
Peut-on dire en conclusion que le principe français du doute bénéficiant à l’accusé, d’une morale qui nous dit qu’il vaut mieux un coupable dehors qu’un innocent en prison, s’impose toujours. Le film d‘Abel Ferrara en outrepassant ce principe et en tentant de nous imposer sa vision au détriment de toute vérité connue, d’un mystère qui nous laisse dans ce fameux doute, ne mérite guère plus que ce qui en est dit. Injuste et dégradant.