Boy de Richard Morgiève sort ces jours-ci chez Carnets Nord-Editions Montparnasse, et déjà les images fusent: « roman noir fantasmé » nous dit Christine Ferniot dans Lire, qui ajoute : « comme toujours chez Richard Morgiève, le roman ne se conçoit pas sans amour, (…) il nous propose une épopée d’aujourd’hui, un conte moderne désenchantée. » Je ne vous en dirai pas plus sur l’intrigue, sur un récit à la fois épuisant et puissant, non je voudrai m’attarder un instant sur ce qui me séduit chez Morgiève. United Colors of crime, son précédent ouvrage, édité chez nous, reste pour moi un texte incroyablement attachant. J’y ai puisé des images ou se télescopent immobilité apparente et force de la pensée- pendant deux chapitres, sans aucune action, Chaim, entre la vie et la mort, sous le regard de l’indienne qui le soigne, vit une révolution mentale, rêves fous qui mènent la danse, et nous avec- grâce du style qui arrête et projette notre regard.
Richard Morgiève fouille ses personnages, leur identité, Qui suis-je? mais cette quête d’identité ne s’arrête pas à une découverte fortuite. Le destin se forge dans l’action. Boy devient l’amour en combattant ses peurs. Comme Chaim reconstituera son identité- il est Ryszard Morgiewicz, qui, à Monte Cassino, en substituant les papiers d’un soldat mort prend l’identité de Chaim Chlebeck- en acceptant l’amour révélateur et rédempteur.
Dans la violence du monde, ici décrite impitoyablement, la seule chose qui compte est cette fleur d’innocence contenue ou conservée en chacun. Morgiève se sert de l’amour pour cette révélation. C’est l’immense beauté de Boy. Le soir s’est installé, les néons commencent à se réverbérer dans les vitres. Boy se lève va à la fenêtre de la cuisine. Des gens passent, inconnus. Ils existent pourtant. Mais ils sont séparés de Boy, et Boy d’eux. Le monde est bien fait de centaines de réalités. On sonne à la porte (…) C’est Roxanne dans l’obscurité. En parka de fourrure grise et caramel, des bas en laine citron. Comme si elle était nue…Comme si. (p. 92).