Le Monde des livres du 18 octobre consacre deux pages à la figure paternelle comme une source d’inspiration…l’un des grands sujets de la rentrée littéraire, riche en romans et récits de filiation. Le Monde décortique ici 5 ouvrages, pour l’essentiel autobiographiques, récits personnels, ou l’analyse se nourrit à travers le style. Pour Belinda Canone, le père c’est le Don du passeur ( Stock)…c’est le portrait de celui qui initie, son père éducateur mais aussi le vieillard inadapté qui lui broyait le cœur. Belinda Canone montre son père tel qu’elle l’a connu. D’une curiosité et d’une générosité infinies…l’écrivain règle ses dettes à l’égard d’un homme qui n’aurait jamais pensé à tenir de comptes, nous dit Raphaëlle Leyris, dans le Monde.
J’aime cette image qu’elle nous donne, figure paternelle non idéalisée, simplement aimée aussi pour ses défauts. Nous sommes là au plus près de la vérité. De notre propre vérité, fils un jour, père le lendemain.
Eric Fottorino, ancien directeur du Monde, avait déjà publié deux ouvrages sur cette étrange histoire, celle de la découverte que son père n’était pas son père. Que celui dont il portait le nom, et qui l’avait élevé et aimé, n’était pas son père, mais lui avait aussi donné le lien de l’amour. Eric Fottorino, retrouvera tardivement son père « naturel », tissera des sentiments si forts qu’il partira seul, à Fès, dans la quartier juif dont était originaire Maurice, né Moshé, alors que celui-ci cloué par la maladie ne peut l’accompagner. Je ne serais pas ton fils, si mes yeux ne voient pas en premier ce que tu as vu en premier, écrit Fottorino dans Le Marcheur de Fès,( Calman-Lévy).
L’écrivain nous donne par les mots, l’histoire qu’il a vécu en temps réel et qui resurgit sous son écriture. Raphaëlle Leyris, dans son long papier, cherche elle aussi ce qui les anime. Elle cite encore Fottorino, parlant à son père: bien sûr, il existe toutes ces lignes qui me rattachent à toi et aux tiens, à commencer par la ressemblance des traits, certaines attitudes, un léger défaut de prononciation… ça n’empêche pas un sentiment d’étrangeté. Sans doute est-ce le sort et le travers des enfants naturels que de ne jamais se sentir très bien là ou ils sont. Peut-être, celui qui fût et qui reste enfant naturel, par son don d’écriture, peut-il ainsi traduire sa soif de quête, la sublimer. L’écriture remplace ici la folie, ou la psychothérapie, deux voies possibles du monde étrange de la filiation impossible. Il semble encore nous dire que nous ne pouvons être père que si nous avons été fils, fils de…
La folie, c’est ce que nous retrouvons chez Sophocle, ou chez Shakespeare, ou l’impuissance à résoudre le drame familial, crée la beauté tragique. Au XXI° siècle, la littérature et la psychologie font bon ménage pour tenter de déminer les souffrances, et même comme chez ses auteurs de les sublimer. Le divan du psychanalyste, puis la bienveillance du psychothérapeute soulage le mal-être de la transmission: faire le compte de ses héritages et de ses legs, quel programme!
» Je ne puis demeurer en cet effroi ni, voyant ce que je vois, retenir mes larmes » s’exclame Antigone face au drame. Il n’y a de solution qu’en soi semble-t-elle nous dire encore.