- Parfois la question surgit au détour d’une étape entre Cantal et Lozère, à la lecture des journaux. La Commission européenne ne protège pas l’industrie photovoltaïque européenne, annonce les titres des quotidiens au lecteur ébahi et furieux que je suis. L’histoire est simple. Il y a quelques mois, le Commissaire européen au commerce, Karel De Gutch, avait décidé de s’attaquer au dumping chinois, qui en inondant l’Europe de panneaux solaires à bas prix, détruisait l’industrie photovoltaïque européenne. Le Commissaire décidait de taxer l’importation chinoise. Et ouvrait une discussion avec la Chine. Qui se termine par un compromis dans les derniers jours de juillet. Un bon compromis, dit le commissaire. Catastrophique, disent les industriels européens qui expliquent que le relèvement des prix à l’importation, trop bas, est une mesure inefficace. D’aucuns parlent d’un accord en sous-main mené par l’Allemagne qui lâche la production photovoltaïque au profit des ventes de Mercedes et de machines outils made in Germany aux chinois.
Si tout cela est vrai, quelle stupidité! Nous détruirions une industrie d’avenir, indispensable à l’heure ou nous cherchons à développer les secteurs des énergies renouvelables, industrie ou nous devons pousser au contraire la recherche et l’innovation, pour des secteurs condamnés à terme – l’automobile- ! Stupidité encore si cette décision divise les européens, furieux devant une Allemagne trop forte, non solidaire, imposant ses choix. Stupidité si cette décision est négative pour la production européenne, parce que les chinois nous respecteront encore un peu moins, si c’est possible. Au même moment les USA relèvent t les taxes sur les importations chinoises de panneaux solaires de 360%, – contre 47% chez nous-protégeant leurs intérêts. Je pense à Serge et Loïc de Poix, innovateurs, à qui j’avais consacré ce blog en avril dernier- du vinyle au solaire, un innovateur en panne- et à leurs espoirs d’hier, leurs déceptions d’aujourd’hui. Alors Bruxelles contre l’Europe? Dans un article retentissant, le mois dernier, Stéphane Richard, le patron d’Orange ne mâche pas ses mots: La Commission joue contre les européens. Est-ce possible que les peuples européens et maintenant les dirigeants des principales entreprises européennes pensent que l’Europe détruit plus qu’elle ne construit?
La technocratie bruxelloise en est largement responsable. Tatillonne, créant des normes à l’infini sur tout et n’importe quoi, trop lié au libéralisme anglo-saxon et à la finance de la City de Londres, voilà quelques uns des reproches qu’on entend à son endroit. Mais que font les gouvernements? Ceux qui ont en définitive le pouvoir? La Commission est leur émanation, leur bras armé.
Sont-ils impuissants parce que la technocratie, comme trop souvent, tient les dossiers, les nourrit, en tire la décision devant laquelle le politique n’a plus d’argument? Nous l’avons vu avec l’exception culturelle retirée de justesse des négociations entre l’Europe et les Etats-Unis, contre la volonté de la Commission. Le politique peut, s’il le veut. Alors pourquoi ne veut-il pas?
Et puis parce que je suis aussi sur le chemin des Cévennes, descendant dans cette France inouïe, ou je m’émerveille à chaque détour d’un vallon, d’une gorge, d’une ligne de crête, voilà Conques entre Cantal et Aveyron, plus grand site de France annonce un peu bêtement le panneau. Le village rouge de ses pierres surgit à l’improviste, maisons aux encorbellements fleuris, marchande souriante de glaces bio aux parfums inattendus et colorés, châtaignes, rose et fruits des champs, et puis les marcheurs de Saint-Jacques de Compostelle, sous leurs chapeaux protecteurs d’un soleil brûlant qui s’avancent vers l’église. Croyant ou non, quelle émotion devant la beauté des mouvements de la pierre. Immense foi qui a construit cet édifice! Ce voyage à l’intérieur nous montre une histoire époustouflante. Des siècles de labeur et d’acharnement ou l’esthétisme n’était pas encore la signature d’un seul à la Une des magazines pour être simplement le résultat d’une croyance collective. Oui, il faut pousser les portes- ouvertes d’ailleurs- des églises, Murat, Saint-Flour, Sainte Eulalie d’Olt, impossible de les énumérer, elles se succèdent au gré de la route…
et retenez ce nom: Janus. Pourquoi Janus ? Demandons-nous à Sébastien le Kieff, qui à la sortie de Conques avait engagé la conversation avec nous de manière directe et évidente: vous repartez déjà? oui mais nous avons vu! la terre donne la pierre, la couleur, plus haut la lave d’Auvergne, de la cathédrale de Clermont-Ferrand, des villages noirs des monts, plus bas les églises blanches, ici les rouges presque ocres...Sébastien nous raconte ses études d’histoire à Nantes, son boulot sans montre ici pour expliquer l’histoire de Conques, son goût pour la géologie. Sortir les lieux, les hommes de l’histoire de la déambulation touristique. J’aime l’Histoire, j’ai créé mon entreprise, je vais la faire exister, Janus? parce que pour moi l’Histoire c’est regarder derrière et devant, le passé et le futur. Janus a deux faces, Sébastien 26 ans prend son destin en mains, avec audace et justesse.
Les rencontres sont d’abord humaines, en voilà une belle, une jeunesse qui revigore, qui ne veut ni être assistée, ni être ignorée, simplement vivre son temps. Je ne lui ai pas demandé s’il se sentait européen, il l’est, cela se voit, fier de ce qui l’entoure, de ce qu’il retrouve un peu partout sur ce continent, de ce qui le relie avec les autres peuples européens. Je me dis que les Commissaires européens devraient venir interroger des garçons comme Sébastien sur l’Europe qu’ils souhaitent. C’est ici sur ces routes que les questions et les réponses remettraient l’Europe dans le droit chemin.