Dans le Monde du 22 février, deux pages consacrées à l’emploi des jeunes, c’est à dire au chômage grandissant de ceux qui cherchent un premier emploi: 47 mesures pour l’emploi titre le journal annonçant un Comité interministériel présidé par le Président de la république. J’ai d’abord parcouru l’article avec un sentiment de déjà vu, déjà entendu: des aides au logement, à la formation, à la santé, à la mobilité, 24 ministères concernés…rustines, bonne volonté certainement mais efficacité? C’est l’encadré en bas de page du quotidien qui m’a fait plonger dans le réel, et l’insupportable.
Le parcours de Claire, 24 ans, un master de journalisme, qui le 31 décembre a arrêté les stages – un an et demi, 9 stages- pour s’inscrire au chômage. Des stages que l’employeur stoppe aussi 48 h avant les deux mois fatidiques qui l’obligeraient à payer 400 euros par mois. Au bout de ces 9 stages, Claire a eu une gratification totale de 900 euros- oui certains lui ont donnée quelques rémunérations- deux carnets de tickets restaurants et deux remboursements partiels de transport. C’est le jeu dit l’article, il faut bien acquérir de l’expérience… et Claire se retrouve à Pôle Emploi ou la personne en face d’elle note: manque d’expérience professionnelle » et quand Claire lui reparle de ces stages, son interlocutrice lui rétorque, cela ne compte pas vous n’étiez pas salariée.
C’est cela l’humiliation, aie-je envie de dire à Madame Lebranchu qui vient d’inventer ce mot pour ce jour de carence des fonctionnaires supprimé au nom de l’humiliation que cela imposerait – mes nombreux amis fonctionnaires ne l’avaient jamais évoqué ainsi, ils trouvaient simplement désagréables de perdre un avantage acquis, dont parfois ils soulignaient les abus- cette humiliation, celle que subit Claire, bien réelle elle, touche une jeunesse qui se désespère. Evidemment il y a une solution, partir, aller ailleurs, en Australie, au Canada, en Chine, courir le monde. Evidemment faire un master de journalisme alors que la presse va mal, débauche, c’est encore s’exposer à ne pas trouver de travail. J’ai envie de dire à Claire: osez changer, bouger, adaptez-vous! C’est aussi possible en France.
Je pourrais dire encore à Claire, il y a de beaux métiers dans ce pays. Il faut se pencher sur l’ouvrage du journaliste Bruno Botella, « Petits secrets et grands privilèges » ou il détaille le fonctionnement de l’Assemblée Nationale. Attention vont me dire certains, vous allez nourrir l’antiparlementarisme, vous allez faire du populisme! Non je vais simplement rappeler que le comportement des élites est fondamental dans une démocratie. Bruno Botella révèle que la moyenne du salaire et prime mensuel d’un fonctionnaire du Parlement est de plus de 7 000 euros, que 24 hauts-fonctionnaires de cette Assemblée touchent plus de 17 000 euros par mois! qu’un huissier en fin de carrière gagne environ 5 000 euros par mois.
Chère Claire, relisez vos classiques, rappelez-vous ce que les grecs nous disaient de la démocratie, relisez Tocqueville. La démocratie mal conduite peut mener à la révolution. C’est si difficile que cela de supprimer des primes extravagantes qui font de ces fonctionnaires français des privilégiés deux fois mieux payés que leurs homologues allemands ou britanniques. A l’heure ou l’on surimpose citoyens et entreprises, ce serait une bonne nouvelle. L’exemple vient d’en haut. Courage messieurs les députés, faites votre devoir. Ne désespérez pas Claire. Faites votre nuit du 4 août, abolissez vos privilèges!