Lincoln était-il plus soucieux de l’abolition de l’esclavage que de la paix entre sudistes et nordistes, comme le soutient Spielberg dans son magnifique film sur le 16° président des Etats-Unis ? L’histoire officielle montre plutôt un président refusant l’éclatement de l’Union, cherchant à plusieurs reprises la paix, y compris en acceptant que les pays du Sud restent esclavagistes. En fait il me semble qu’Abraham Lincoln avait une idée en tête : imposer l’autorité de l’Etat et le rassemblement des peuples américains. Il annonçait dans son discours d’Investiture, lors de sa réélection de 1964, que la priorité était la Reconstruction du Sud, des mots qui résonnent étrangement: vous ne pouvez pas donner la force au faible en affaiblissant le fort, vous ne pouvez pas encourager la fraternité humaine en encourageant la lutte des classes, vous ne pouvez aider le pauvre en ruinant le riche, vous ne pouvez pas forcer le caractère et le courage en décourageant l’initiative et l’indépendance…
Rassembler, encourager, donner un objectif commun à une Nation y compris en imposant sa solution à son camp, n’est-ce pas la marque du grand Homme. Lincoln, avec l’abolition de l’esclavage imposait à une majorité d’américains une certaine morale mais gardait l’idée de l’Union à tout prix. Plus près de nous,Charles de Gaulle sera un « résistant », un « provocateur », un rassembleur », l’Homme de la France libre, du vote des femmes et des lois sociales, de la Réconciliation franco-allemande. Il y a encore Winston Churchill, cet étrange conservateur, qui réunira tous les partis dans son Cabinet de Guerre qui entraînera un peuple à dépasser ses divisions, qui fera du chef du parti travailliste, Clément Attle, l’associé du consensus… jusqu’à la fin de la guerre.
Nous sommes encore le 4 juin 1940, l’armée française est en pleine déroute. Elle capitulera dans deux semaines. Devant le Parlement à Londres voici les mots de Churchill: « nous nous battrons sur les mers et sur les océans, nous nous battrons dans les airs avec une assurance et une force toujours croissantes, nous défendrons notre île Jamais nous ne nous rendrons (…) jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu que le Nouveau Monde, avec toute sa puissance et sa force s’avance pour secourir et libérer l’Ancien. «
Au fond, les circonstances sont nécessaires aux grands hommes: c’est à la faveur des décisions difficiles et des épreuves qu’ils peuvent montrer leur caractère, leur énergie, leur vision…qu’importe que Spielberg serve telle théorie plutôt qu’une autre. Le président américain, assassiné en 1865 peu de temps après sa réélection, restera l’homme qui a aboli l’esclavage et conservé l’unité américaine.