Ce » blog est une réponse à l’éditorial de Laurent Cotillon, paru dans le Film Français le 10 juin dernier. Laurent Cotillon titrait son éditorial: DVDHS, et pointait toutes les erreurs de nos métiers qui pour lui aboutissaient à tuer ce support. Voici donc copie de la réponse que je lui adressais:
Le titre de votre éditorial : DVDHS ? Outre l’amusement bref des initiales alliant le DVD, la VHS et le hors service de HS, je dois dire que j’ai apprécié votre éditorial. Il est provocateur, juste et pas tout à fait exact. Commençons par le pas tout à fait exact, oui parce que les chiffres négatifs de ces derniers mois, environ -10% en valeur, sont aussi ceux des entrées en salles de cinéma, ceux encore des ventes de l’électronique grand public et de pas mal des ventes d’autres produits de grande consommation. Qu’est-ce qui se vend en ce début d’année à part les smartphones et les tablettes ? À peu près rien, les boutiques de vêtements sont vides rejoignant les salles de cinéma provisoirement désertées. En 2010, les chiffres du DVD-Blu Ray (je mets les deux ensemble considérant comme vous qu’il ne s’agit que d’un même marché) ont été légèrement positifs, une croissance satisfaisante alors que certains dans nos métiers annoncent la disparition des supports physique au profit de la dématérialisation. Vous faites remarquer à juste titre que la vidéo à la demande n’est pas au rendez-vous, et que même on se demande si elle remplacera le DVD dans toutes ses attentes et notamment dans un relais de financement du cinéma.
Votre éditorial est juste. Les métiers de l’édition se sont comportés- et se comportent toujours- comme des destructeurs de leur propre activité. Gestion de court terme submergeant le marché de produits, abusant du marketing et définissant la valeur d’un œuvre par le prix proposé. Les éditeurs ont oublié le désir nécessaire, l’idée d’unique liée à l’œuvre, à la création. Ils ont mis dans des paquets les films, fixé un prix, livré des quantités toujours plus importantes…. Et gavé l’acheteur final. Il y a une morale à tout cela. L’acheteur gavé n’en peut plus. Et la baisse des prix, les opérations censées l’attirer encore ne suffisent plus. Il n’a plus envie.
Je dirais même que ce qui est à si bas prix perd même de sa séduction. Alors que Louis Vuitton remonte ses prix sur l’idée un peu étonnante que ce qui a de la valeur est cher, nous en sommes à penser que nous n’avons plus de valeur, donc plus de prix. Les soldes toute l’année sont une catastrophe économique, et culturelle.
Provocateur ? Oui parce que finalement le système fonctionne a l’absurde. Le syndicat que je préside, l’UNEVI, a lancé il y a quelques mois les « Coups de cœurs des comptoirs culturels », tentative de donner à voir des films et documents édités en DVD à travers non pas les listes des meilleures ventes mais par le goût, le regard de quelques médiateurs de la filière, les Comptoirs culturels. Facile pour vous me direz-vous puisque vos adhérents, les petits éditeurs indépendants ne sont pas des habitués des tops ! En réalité, les « tops » reflètent les mouvements massifs du cinéma, du livre, du disque, des jeux vidéo, du DVD. A aucun moment la valeur culturelle et créative d’une œuvre.
Et c’est bien cela qu’il ne faut pas perdre à l’heure de la surproduction. Le toujours plus gros, toujours plus cher, toujours plus exposé, réduit la diversité de l’offre, et capte provisoirement tous nos regards. Le bon marketing est au service de l’éditorial et de la création et pas l’inverse.
Je trouve encore plus juste votre éditorial lorsque vous vous posez cette question : que va devenir la culture sans éléments de référence stables, permanents, bien installés dans nos rayons de bibliothèques, ce « produit » physique Livre et DVD ? Finalement nous serons peut être amenés à les conserver. Le DVD ancien est HS, vive le DVD nouveau, celui d’une offre riche de culture et de diversité !
Renaud Delourme
PDG des éditions Montparnasse
Président de l’UNEVI