Il y a quelques jours, le chroniqueur du Monde, Franck Nouchi, évoquait le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, à travers Voltaire et Rousseau. Devant les 100 000 morts de Lisbonne, Voltaire imagine que si Dieu avait existé il n’aurait pu laisser faire cela, Rousseau lui réplique que les hommes, oublieux de la nature, en fondant des villes toujours plus peuplées, sont seuls responsables de leur propre malheur.
Dans le billet du 19 mars, titré « l’enfer et la raison », Franck Nouchi invoque cette fois-ci Camus. Il reprend avec ce titre celui de l’éditorial que publia Camus dans l’hebdomadaire Combat le 8 août 1945, au lendemain d’Hiroshima : » Le monde est tel qu’il est, c’est à dire peu de chose (…) La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »
Mars 2011, 66 ans plus tard, la raison ne l’a pas emporté, loin de là, peut être même la science l’a-t-elle oubliée! Alors cela signifie-t-il que l’enfer triomphe? Qui a raison de Voltaire, Rousseau ou Camus? Chacun de nous cherchera une réponse, probablement difficilement en ces jours cahotiques. Et pourtant c’est toujours la petite étincelle qui nous rapproche, celle qui brille chez des hommes, presque incroyable, insensée pour beaucoup.
Celle des « liquidateurs »de Tchernobyl. Celle des volontaires aujourd’hui, que certains appellent déjà les « sacrifiés », de la centrale de Fukushima. Ou encore, vu dans ce reportage sur France 2, celle de ce responsable d’exploitation d’une centrale nucléaire française, expliquant simplement, que s’il devait y avoir un jour un accident, il était évidemment volontaire pour rester là, sur place, pour combattre.
Ces hommes là, combattants en enfer, nous donnent beaucoup d’espoir. A chacun son paradis. Au delà de toute raison.